« A Ghost Story » : David Lowery dépoussière le film de fantôme
« A Ghost Story » : David Lowery dépoussière le film de fantôme
Par Mathieu Macheret
Trop soucieux de ses effets, ce long-métrage ne parvient pas à sortir du cadre hollywoodien.
« A Ghost Story », de David Lowery. / UNIVERSAL PICTURES INTERNATIONAL FRANCE
Ce nouveau long-métrage, qui marque le retour à l’indépendance du réalisateur américain David Lowery (Les Amants du Texas, 2013), après un détour par une grosse production Disney (Peter et Elliott le dragon, 2016), multiplie les signes de démarcation du tout-venant hollywoodien : refus du spectaculaire, dialogues réduits au minimum, plans fixes sculptant des durées extensives, expérimentations narratives, abandon de la psychologie au bénéfice de la métaphysique… Avec l’ambition louable de dépoussiérer un sous-genre moribond du récit fantastique, le film de fantôme, englué depuis trop longtemps dans une épaisse guimauve romantique.
Un homme (Casey Affleck) et son épouse (Rooney Mara) s’installent dans une maison de la campagne texane où surviennent d’étranges manifestations. Peu après, l’homme meurt dans un accident de voiture et revient hanter sa femme sous la forme d’un spectre inoffensif et mutique. La veuve finit par faire son deuil et quitte la maison, mais le fantôme demeure, hante d’autres propriétaires, puis assiste impuissant à la destruction du site, gagné par l’urbanisation.
Le film, distingué par le Prix du jury au Festival de Deauville, déroule une réflexion stimulante sur le passage du temps et parvient dans ses meilleurs moments à figurer celui-ci selon le point de vue impossible d’un souvenir qui ne veut pas mourir.
Drap blanc folklorique
On regrette toutefois que le film se montre à la fois si conscient de ses effets et si soucieux de virtuosité. A commencer par la forme du fantôme, celle d’un simple drap blanc troué au niveau des yeux, si folklorique qu’elle vire à la désignation ironique. Lowery se montre ainsi moins occupé à susciter la croyance du spectateur qu’à lui livrer du discours et des significations clés en main, sur la perte, le deuil, la mémoire, la transcendance, etc. Ce fantôme n’est rien d’autre, finalement, que le regard omniscient de l’auteur.
Cette prétention « arty » ramène paradoxalement le film à un cadre de pensée très hollywoodien. Car plutôt que de s’en remettre à la vraie nature du temps, qui est de tout effacer, et de frayer ainsi avec le néant, le film en vient à tordre sa temporalité par un effet de boucle, pour mieux se ménager une confortable résolution scénaristique. Et nous jeter ainsi sa poudre aux yeux.
A GHOST STORY / Bande-annonce officielle VOST [au cinéma le 20 décembre]
Durée : 02:19
Film américain de David Lowery. Avec Rooney Mara, Casey Affleck (1 h 32). Sur le Web : a24films.com/films/a-ghost-story et www.facebook.com/GhostStoryMovie