Urgence pour l’hôpital
Urgence pour l’hôpital
Editorial. L’Etat, en privilégiant les économies et en rabotant les sommes qu’il doit verser aux hôpitaux sans engager de réformes, emploie une méthode qui est aujourd’hui à bout de souffle
Editorial du « Monde ». La France peut s’enorgueillir d’avoir un des meilleurs systèmes hospitaliers au monde, mais c’est un gouffre financier. Les dépenses hospitalières représentent près de la moitié des dépenses de soins de l’assurance-maladie. Le gouvernement s’est fixé l’objectif d’un retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale en 2020. En attendant, c’est l’hôpital public qui paie la facture. Pour la Fédération hospitalière de France (FHF), on assiste à un « transfert du déficit de l’assurance-maladie vers les hôpitaux ».
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les établissements publics hospitaliers sont confrontés, en 2017, à un déficit compris entre 1,2 milliard et 1,5 milliard d’euros, soit trois fois plus qu’en 2016 (470 millions). Frédéric Valletoux, le président de la FHF, a lancé un cri d’alarme, lundi 18 décembre, estimant que c’est « la qualité des soins qui est aujourd’hui menacée ».
La pression ne cesse de s’accentuer sur l’hôpital public, prié de conserver son offre de lits et de ne pas toucher aux effectifs tout en faisant de plus en plus d’économies. « C’est comme si on demandait aux dirigeants hospitaliers de courir le 100 mètres avec un sac de pierres », observe M. Valletoux.
Le gouvernement rabote sur les sommes qu’il doit verser aux hôpitaux au titre des missions d’intérêt général, et il met toujours plus haut la barre des économies requises : 1,1 milliard d’euros en 2017, 1,6 milliard en 2018. Ces objectifs concourent à la dégradation des conditions de travail des personnels soignants, soumis à des cadences infernales et mal rémunérés. Résultat : l’hôpital public est fragilisé, à bout de souffle.
Depuis 2004, les hôpitaux pratiquent la tarification à l’activité, un modèle qui rémunère la totalité des soins de médecine, de chirurgie et d’obstétrique et assure 70 % du financement. Il s’est substitué à la dotation globale, où les établissements devaient faire avec une enveloppe financière fixée pour l’année.
Une restructuration « indispensable »
Agnès Buzyn, la ministre de la santé, qui a longtemps exercé à l’hôpital public, a conscience de la gravité de la situation. « Nous sommes arrivés au bout d’une histoire et d’un système », a-t-elle déclaré, le 11 décembre à Libération. « On ne peut pas aujourd’hui imposer aux soignants dans les hôpitaux un rythme encore plus élevé d’activité », a-t-elle ajouté, mardi 19 décembre, sur Sud Radio, en s’engageant à ne pas diminuer leur nombre. L’hôpital ne peut être géré comme une entreprise dont le but serait de faire la course à la rentabilité, alors que sa mission est de soigner mieux en évitant les dépenses inutiles.
Mme Buzyn juge une restructuration des hôpitaux « indispensable » et veut « changer la place de l’hôpital public dans notre système ». La ministre estime que « 30 % des dépenses de l’assurance-maladie ne sont pas pertinentes » et reprend une rengaine entendue depuis des années, selon laquelle il faut « lutter contre les opérations inutiles ou les actes réalisés deux fois ». Le plan qu’elle prépare, et qui pourrait être présenté en janvier, devrait favoriser le développement de la médecine ambulatoire, ce qui permettrait de désengorger les hôpitaux en fermant des lits ou en les réorientant vers des besoins nouveaux. « En chirurgie, a indiqué Mme Buzyn, l’objectif est qu’en 2022 sept patients sur dix qui entrent à l’hôpital le matin en sortent le soir, contre cinq aujourd’hui. »
Le candidat Emmanuel Macron avait promis de « plafonner à 50 % » la part de la tarification à l’activité dans le financement des hôpitaux. La méthode qui a consisté, notamment sous le quinquennat de François Hollande, à privilégier les économies sans engager de réformes, est à bout de souffle. L’hôpital est en burn-out. Il est urgent d’agir.