C’est à une lourde tâche que s’attelle aujourd’hui le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Il va devoir nommer d’ici au 4 juillet le premier président de la Cour de cassation, plus haut magistrat de France. Ce processus ouvert, avec un dépôt des candidatures jusqu’à lundi 3 juin minuit, et totalement indépendant du gouvernement et du ministère de la justice, est mené par un CSM novice. Composé en majorité de personnalités extérieures et d’une minorité de magistrats élus, il est entré en fonctions en janvier et n’a guère eu le temps de se familiariser avec les rouages de la haute hiérarchie judiciaire.

Selon nos informations, au moins deux candidats ont fait acte de candidature pour succéder à Bertrand Louvel, admis à la retraite le 30 juin. Chantal Arens, première présidente de la cour d’appel de Paris, et Christophe Soulard, président de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Bruno Pireyre, président de chambre à la Cour de cassation et directeur du service de documentation et des études, était également sur les rangs.

Déjà candidate en 2014, Mme Arens est aujourd’hui dans la délicate situation de la favorite. Magistrate unanimement reconnue par ses pairs, tant par l’image de rigueur et d’indépendance qu’elle porte que par ses qualités juridictionnelles et de gestionnaire de juridiction, elle a pour atout d’être une femme. La cour suprême de l’ordre judiciaire n’a à ce jour été présidée qu’une seule fois par une femme, Simone Rozès, de 1984 à 1988. Un autre argument pourrait jouer en sa faveur. Par le jeu de la limite d’âge imposée aux magistrats de la Cour de cassation (70 ans), son mandat serait limité à deux ans et demi. Le CSM pourrait ainsi être tenté de se réserver la possibilité d’avoir à nommer avant la fin de son propre mandat un autre premier président, avec l’idée qu’il sera plus sûr de son choix la seconde fois.

Fonctions stratégiques

En situation de challenger, M. Soulard n’a dévoilé sa candidature que dans les tout derniers jours. Egalement grand magistrat, il a l’avantage d’être de la maison, alors que nommer une personnalité qui n’y a jamais siégé risque toujours de provoquer quelques remous dans l’institution feutrée et codée du quai de l’Horloge. Plus jeune, il pourrait très bien être le favori s’il n’était pas choisi cette fois. D’autres candidatures étaient susceptibles de se manifester avant l’heure limite.

Lors de l’examen des projets déposés par les candidats et leur audition à huis clos, le CSM cherchera la personnalité en mesure d’incarner l’indépendance de l’autorité judiciaire, mais aussi sa capacité à moderniser l’institution. Sachant que le premier président de la Cour de cassation a également deux autres fonctions stratégiques, de nomination, en tant que président du CSM, et de formation, en tant que président de l’Ecole nationale de la magistrature.