Jacques Brunel, du rugby terroir à l’ère professionnelle
Jacques Brunel, du rugby terroir à l’ère professionnelle
Par Adrien Pécout
Le président de la Fédération française de rugby, Bernard Laporte, a officialisé, mercredi, la désignation de Jacques Brunel comme sélectionneur du XV de France, en remplacement de Guy Novès.
Jacques Brunel vient d’une autre époque : celle du rugby amateur, un rugby terroir dans lequel il a fait ses classes. / NICOLAS TUCAT / AFP
Voilà un Gersois, moustachu lui aussi. Sans remonter au XVIIe siècle et au mousquetaire d’Artagnan, Jacques Brunel vient d’une autre époque : celle du rugby amateur, un rugby terroir dans lequel il a fait ses classes. Jusqu’à sa nomination au grade suprême, mercredi 27 décembre : à bientôt 64 ans, le voilà donc nommé sélectionneur du XV de France en remplacement de Guy Novès.
Il entraînait jusqu’à présent l’Union Bordeaux-Bègles. Mais son apprentissage au plus haut niveau, il le doit surtout à trois équipes désormais portées disparues de la première division.
D’abord à Auch, ce club qui périclite aujourd’hui au sixième échelon national, celui de l’illustre Jacques Fouroux. Jacques Brunel y a joué, puis entraîné : le temps de cultiver le goût du rugby et celui de la vigne.
« Il faut avoir de la patience »
En parallèle du sport, le jeune homme commence à gagner sa vie comme viticulteur, le même métier que ses parents. « Dans la viticulture, il faut avoir de la patience, il faut du temps pour construire une vigne, pour la mener à bien », dit-il. Comme une équipe de rugby, oui.
L’ancien joueur travaille ensuite comme cadre pour un groupement d’assurance et pour la Mutualité sociale agricole, la « Sécu » des agriculteurs. « Un travail de terrain, raconte-t-il à présent. Tous les jours, j’allais à leur rencontre, dans leurs maisons, dans leurs familles, je les aidais dans leur cheminement administratif pour les questions de retraites, de maladies. »
Vient l’exil hors du Gers : à Colomiers, puis à Perpignan. Deux clubs de plus grande envergure. En 1998, Jacques Brunel prend une décision « sans possibilité de retour » : « Je sentais à ce moment que le fait d’avoir deux activités altérait mon travail dans un secteur comme dans l’autre. » Il quitte alors son poste à la Mutualité pour se consacrer au rugby professionnel, encore à ses prémices.
Pour commencer, un beau parcours avec les Hauts-Garonnais de Colomiers lui donne raison : l’équipe se hisse en finale de la Coupe d’Europe 1999. La décennie suivante, consécration nationale : les Catalans de Perpignan remportent le titre de champion de France 2009.
Cette année-là, un malaise cardiaque contraint le Gascon à arrêter la cigarette. Mais pas le rugby. Un sport qu’il apprécie avant tout pour son essence collective, comme les travaux des champs : « A la campagne, il y a toujours des activités où tout le monde vient participer, on appelle ça des corvées. Tous les voisins se réunissent et on fait un travail en commun pour le blé, pour la vigne, par exemple. »
Un passionné
Jacques Brunel vit aussi avec son temps, et s’accommode très vite du professionnalisme. De 2001 à 2007, il intègre déjà le XV de France en tant qu’adjoint de Bernard Laporte, alors sélectionneur. Leur collaboration s’accompagne de plusieurs succès au Tournoi des six nations (quatre titres) et d’expériences plus mitigées en Coupe du monde (deux fois demi-finaliste).
Apprécié pour son calme et ses qualités d’écoute, l’entraîneur se spécialise dans le domaine des avants, lui qui jouait au poste d’arrière. « Cet homme a une telle intelligence rugbystique qu’il m’a appris plein de choses, à moi, pilier ! », s’étonne encore Stéphane Graou, un ancien d’Auch et de Colomiers, qui salue un « technicien d’une très grande qualité ».
Un passionné, aussi : « Jacques regardait toujours des matchs, il bouffait de la vidéo », se souvient Marius Tincu, ex-talonneur de Perpignan. Philippe Ducousso, ancien adjoint à Colomiers, garde aussi en mémoire des soirées moins studieuses : « Parfois, Jacques sortait une cuvée d’armagnac exceptionnelle » et en faisait profiter toute la compagnie. Une bande qui avait en commun le plaisir de jouer, et bien souvent de gagner.
Enchaîner les victoires : une expérience moins souvent vécue à la tête de la fragile sélection nationale italienne (2011-2016)… ou même avec Bordeaux-Bègles : à la mi-saison, Jacques Brunel laisse le club girondin à la huitième place du Top 14.