« Le grand jeu » : overdose d’adrénaline et d’addiction
« Le grand jeu » : overdose d’adrénaline et d’addiction
Par Jacques Mandelbaum
Polar sexy mâtiné de drame filial, le film d’Aaron Sorkin, avec Jessica Chastain, peine à captiver faute de véritable enjeu.
Scénariste (Des hommes d’honneur ; The Social Network) et showrunner réputé (A la maison blanche), Aaron Sorkin passe enfin à la réalisation en adaptant les mémoires d’une ex-reine de poker clandestin, écrites en 2014 pour se renflouer après un mirifique naufrage. Donné pour réalisateur sur de multiples projets qui ont éclaté comme bulles de savon, Sorkin aura donc jeté son dévolu sur une histoire dont les ingrédients semblent un gage quasiment assuré de réussite.
Une héroïne empruntée à la réalité, qui porte un nom de roman (Molly Bloom, échappée de chez James Joyce). Une interprète de feu (Jessica Chastain). Un monde de la nuit enfiévré et plus grand que nature où s’entrechoquent le gratin du showbiz, celui des affaires et de la Mafia. Une relation père-fille compliquée par un secret de famille. Une parabole sur l’hybris américaine.
Qu’on puisse se fourvoyer avec autant de tickets présumés gagnants en main est presque naturel. Trop gourmand, Sorkin a voulu tout jouer en même temps. Lebling-bling, le polar sexy, le drame filial, le film d’arnaque, le film de procès, le tout mouliné en deux heures vingt de narration désynchronisée pour faire plus malin et débité à cent à l’heure, sur la ligne néanmoins molle d’un freudisme de comptoir.
Tout commencerait par une compétition de ski. Membre de l’équipe américaine, Molly se prépare à la descente de sa vie avec les injonctions et autres flashs du paternel (Kevin Costner), obsédé de gagne, qui lui vrillent le cerveau. « La gaufre » qui s’ensuit lui casse la colonne et lui interdit toute carrière sportive mais lui ouvre les portes de l’université, à quoi, restant malgré tout la fille de son père, elle préfère celle de la réussite à tout prix, fût-elle frauduleuse.
Sérail hollywoodien
Engagée comme assistante et hôtesse auprès d’un organisateur de soirées VIP de poker clandestin, elle prend goût à la nuit et à l’argent facile, au point de voler rapidement de ses propres ailes. Racontée depuis son point de chute (arrestation au petit matin, rencontre avec son avocat, préparation du procès), sa résistible ascension la mène de salon en appartement de luxe, de Hollywood à New York, en embarquant des gens de moins en moins fréquentables (mafia russe et indics du FBI).
On voit bien ce qui a pu, dans ce récit d’addiction et d’adrénaline impliquant le sérail hollywoodien, intéresser à titre personnel Aaron Sorkin. Ce qui en ressort, qui n’est qu’un simulacre de complexité et d’énergie, manque pourtant cruellement d’enjeu.
LE GRAND JEU - Bande-annonce VOST
Durée : 01:55
Film américain d’Aaron Sorkin, avec Jessica Chastain (2 h 20). Sur le web : www.facebook.com/pg/sndfilms
Les sorties cinéma de la semaine (mercredi 3 janvier)
- Le Lion est mort ce soir, film franco-japonais de Nobuhiro Suwa (à ne pas manquer)
- Tharlo, le berger tibétain, film tibétain et chinois de Pema Tseden (à voir)
- Cœurs purs, film italien de Roberto De Paolis (à voir)
- Le Grand Jeu, film américain d’Aaron Sorkin (pourquoi pas)
- Les Heures sombres, de Joe Wright (pourquoi pas)
- El presidente, film argentin, espagnol et français de Santiago Mitre (pourquoi pas)
- L’Echappée belle, film italien et français de Paolo Virzi (pourquoi pas)
Nous n’avons pas pu voir :
- A Fuller Life, documentaire américain de Samantha
- Burn Out, film français de Yann Gozlan
- Fireworks, film d’animation japonais de Akiyuki Shinbo, Nobuyuki Takeuchi
- Insidious la dernière clé, film américain d’Adam Robitel