LES CHOIX DE LA MATINALE

Cette semaine, oublions la tempête, la pluie et le froid et offrons-nous le réconfort d’une toile sur grand écran…

« Le lion est mort ce soir » : Léaud le gentil fantôme

LE LION EST MORT CE SOIR Bande Annonce (2018) Film Français
Durée : 01:45

Parce que le tournage auquel il participait, dans le sud de la France, est interrompu quelques jours, un acteur vieillissant décide de retrouver, dit-il, une amie qu’il n’a pas vue depuis longtemps. L’objet de sa quête est en fait le souvenir d’un amour de jeunesse, morte il y a des années. C’est donc à la rencontre d’un fantôme auquel se rend l’homme, un fantôme qui resurgit et avec qui il va dialoguer dans la maison abandonnée où il s’est installé. Le vieux comédien est dérangé dans sa retraite par un groupe de gamins et de gamines qui ont en tête de tourner un film dans le cadre de ce que l’on devine être un programme scolaire.

L’acteur, c’est Jean-Pierre Léaud qui l’incarne, introduisant immédiatement dans le plan la mémoire de ce dont il a été lui-même l’emblème, celui d’un cinéma moderne dont le souvenir est désormais un peu lointain. Ce qui pourrait ne constituer qu’une allégorie facile se révèle une redoutable machine où s’imbrique, avec virtuosité, spontanéité et maîtrise, vision documentaire et construction mentale. Jean-François Rauger

« Le lion est mort ce soir », film français de Nobohiro Suwa. Avec Jean-Pierre Léaud, Isabelle Weingarten, Pauline Etienne (1 h 43).

« Tharlo le berger tibétain » : fable édénique et minoritaire

Bande Annonce - THARLO, le berger tibétain de Pema Tseden
Durée : 01:40

Tharlo, berger des hautes montagnes tibétaines, se retrouve convoqué au poste de police pour l’émission, devenue obligatoire, de sa carte d’identité. Mais il lui manque encore les photos adéquates, qu’il doit aller faire dans la ville la plus proche. Sur place, il rencontre une jeune coiffeuse, qui l’invite à boire puis à passer la nuit chez elle. Au petit matin, sur le ton du soupir amoureux, elle l’encourage à vendre son cheptel pour fuir avec elle à Lhassa ou à Pékin. Sans flairer l’arnaque, le pauvre homme retourne dans ses paysages rocailleux et laisse cette promesse mûrir en lui.

L’heureuse sortie en salle du quatrième long-métrage de Pema Tseden permet enfin de découvrir le travail de cet écrivain cinéaste, disciple du maître iranien Abbas Kiarostami, jusqu’alors jamais distribué en France en dehors du circuit des festivals, et tristement réputé pour ses récents démêlés avec les autorités chinoises – en juin 2016, une prise de bec avec des policiers, à l’aéroport de Xining, lui avait valu quelques jours d’hospitalisation et de détention. Originaire de l’Amdo, à l’ouest de la Chine, il est l’un des rares à incarner aujourd’hui l’hypothèse d’un cinéma tibétain qui ne soit pas de l’ordre de l’excursion exotique ou du particularisme revendiqué. Mathieu Macheret

« Tharlo le berger tibétain », film chinois en langue tibétaine de Pema Tseden. Avec Shide Nyima, Yangshik Tso. (2 h 03).

« Le jour où la terre s’arrêta » : mais qui c’est ce mec-là ?

Le jour où la Terre s'arrêta (1951) - Bande-annonce [VO]
Durée : 02:04

Si on commençait l’année par la fin du monde ? On remerciera Splendor Films, distributeur patrimonial plein d’allant, d’en avoir eu l’idée, en programmant Le jour où la Terre s’arrêta, réalisé en 1951 par Robert Wise. Cinéaste particulièrement apprécié de Jean-Pierre Melville, également monteur du Citizen Kane d’Orson Welles, il fut un de ces bons artisans hollywoodiens à l’œuvre inégale et remarquablement éclectique. Le jour où la Terre s’arrêta, tourné en 1951 pour le compte de la Fox, adapte une nouvelle d’Harry Bates publiée en 1940, Farewell to The Master. Ceci expliquant peut-être cela, le film sera donc une œuvre atypique de la science-fiction américaine des années 1950, durant lesquelles l’idéologie mise au service de la guerre froide fait des ravages dans les mœurs, les consciences et les œuvres.

Plus volontiers pacifiste qu’anticommuniste, humaniste que nationaliste-délateur, le film montre un extraterrestre véritablement extraterrestre en ce qu’il est animé de bonnes intentions et qu’il tient son hiératisme de l’acteur plus anglais que nature qui l’interprète. Plaidoyer contre l’arme nucléaire et l’équilibre de la terreur, œuvre relativement sobre et réflexive, Le jour où la Terre s’arrêta est devenu un titre légendaire. Jacques Mandelbaum

« Le jour où la terre s’arrêta », film américain de Robert Wise. Avec Michael Rennie, Patricia Neal, Hugh Marlowe. (1 h 32)

« Samuel Fuller » : Rétrospective à la cinémathèque

Portrait Samuel Fuller
Durée : 04:56

Du 3 janvier au 15 février, la Cinémathèque française met à l’honneur Samuel Fuller (1912-1997), l’un des cinéastes les plus originaux de sa génération, ex-journaliste puis soldat d’infanterie lors de la seconde guerre mondiale, en lui consacrant une rétrospective. Sans doute est-il important de redécouvrir une œuvre ayant vivement contribué au passage à l’âge adulte du cinéma américain, en décloisonnant les conventions hollywoodiennes, les ouvrant à un gain de réalisme, de complexité, d’ambiguïté sexuelle, de diversité éthique et sociale, de curiosité pour le monde au-delà des Etats-Unis et à l’intérieur de ceux-ci.

Sur le chemin qui a mené d’un classicisme imperturbable à la conquête d’une conscience moderne (Cassavetes, Cimino, Rafelson, Friedkin, Altman) et inquiète, les films de Fuller – de J’ai tué Jesse James (1949) à Dressé pour tuer (1982), en passant par La Maison de bambou (1955) et Au-delà de la gloire (1980) – occupent la première marche. Ma. Mt

Rétrospective Fuller, La Cinémathèque Française, 51, rue de Bercy, Paris 12e.