Visite sous tension du pape François au Chili et au Pérou
Visite sous tension du pape François au Chili et au Pérou
Par Christine Legrand (Buenos Aires, correspondante)
Les scandales de pédophilie et le sort des indigènes vont dominer la tournée pontificale.
A Lima, le 12 janvier, à la veille de la visite du pape. / GUADALUPE PARDO / REUTERS
Au cours de sa visite au Chili et au Pérou, du 15 au 21 janvier, le pape François sera confronté à plusieurs dossiers polémiques, qui pourraient entraîner des manifestations hostiles, en particulier les scandales pédophiles qui ébranlent l’Eglise dans ces deux pays latino-américains.
Dans une lettre ouverte au pontife, des victimes d’abus sexuels, des intellectuels chiliens et péruviens lui ont demandé de « combattre plus durement ces crimes exécrables », alors qu’il a promis la « tolérance zéro » à l’égard des pédophiles. A Rome, avant le voyage, le porte-parole du Vatican, Greg Burke, a indiqué que si des rencontres avec des victimes d’abus sexuels par des religieux au Chili ne figurent pas au programme officiel, elles pourraient toutefois avoir lieu de manière « très privée ». L’ONG américaine Bishop Accountability a publié, le 10 janvier, une liste de 78 prêtres mis en cause, depuis 2000, dans des cas de pédophilie au Chili.
Le thème de la transsexualité sera également d’actualité à Santiago, avec le vote prévu d’une loi sur l’identité de genre, le jour même de l’arrivée du pape. Le Vatican a par ailleurs confirmé que François aura une rencontre privée avec deux victimes de la dictature militaire d’Augusto Pinochet (1973-1990) à Iquique, dans le nord du pays.
Eglises attaquées
Le sixième voyage de François dans la catholique Amérique latine se déroulera au milieu d’un dispositif de sécurité jamais vu au Chili, avec 18 000 policiers et militaires mobilisés. Quatre églises de Santiago du Chili ont été la cible d’attaques, vendredi matin, dont certaines avec des engins incendiaires. Le pape se rendra à Temuco, à 600 km au sud de Santiago et non loin d’Osorno, où la désignation par le pape, en 2015, de l’évêque Juan Barros avait causé l’indignation. Ce dernier est accusé d’avoir protégé un prêtre pédophile, Fernando Karadima, suspendu à vie et condamné pour pédophilie au cours d’un procès canonique. Le pape a toujours refusé de recevoir les victimes du prêtre. Le collectif Laicos de Osorno a annoncé des manifestations de protestation.
Au Pérou, à la veille de la visite pontificale, le Vatican a mis sous tutelle, le 10 janvier, le mouvement catholique péruvien Sodalicio de Vida Cristiana, formé exclusivement de laïcs. Son fondateur, Luis Fernando Figari, est accusé d’abus sexuels sur une vingtaine de mineurs entre 1975 et 2002. Un prélat colombien, Noel Londoño Buitrago, a été nommé pour prendre les rênes de l’organisation. Le 13 décembre 2017, la justice péruvienne a demandé la mise en détention préventive de M. Figari et de trois autres membres du mouvement. Fondé en 1971 pour transformer des adolescents en « soldats du Christ », ce mouvement s’est répandu dans d’autres pays latino-américains, ainsi qu’en Italie et aux Etats-Unis.
Restitution de terres
Le pape François a par ailleurs souhaité s’intéresser tout particulièrement aux indigènes. Il se rendra en Araucanie, la Patagonie chilienne, secouée depuis plusieurs années par des protestations, parfois violentes, des communautés indiennes Mapuche. Elles réclament la restitution de territoires appartenant, selon eux, à leurs ancêtres, dont des terres occupées par l’Eglise. A la veille de l’arrivée du pontife, une Conférence internationale des peuples indigènes devait avoir lieu, dimanche 14 janvier, focalisée exclusivement sur sa visite. Les Mapuche les plus radicalisés ont condamné la visite du chef de l’Eglise catholique. Au Pérou, le pape visitera Puerto Maldonado, dans l’Amazonie péruvienne, où vivent quelque 350 000 indigènes qui dénoncent une intense activité minière, proche de l’esclavagisme et polluante.
Au Chili, plusieurs voix critiquent une visite pontificale jugée « chère » et « mal préparée », selon le père Mariano Puga. Surnommé « le prêtre ouvrier », chantre de la lutte pour le respect des droits humains sous la dictature de Pinochet, il a dénoncé, le 8 janvier, l’absence de consultation des organisations ecclésiastiques de base dans l’établissement du programme de la visite. Quand il n’était que Jorge Bergoglio, François a vécu un an et demi au Chili, durant son noviciat comme jésuite, il y a près de soixante ans. Plus d’un million de pèlerins, venus d’Argentine, pays natal de François, sont attendus au Chili.