Ole Einar Bjoerndalen lors des championnats du monde d’Hochfilzen en 2017. Il avait décroché une ultime médaille mondiale, en bronze sur la poursuite. / FRANCK FIFE / AFP

« Le Cannibale » du biathlon avait encore faim, malgré ses 13 médailles olympiques (8 en or, 4 en argent, 1 en bronze), mais il a fini, à bientôt 44 ans, par être rattrapé par son âge : Ole Einar Bjoerndalen n’a pas le niveau suffisant pour représenter la Norvège aux prochains Jeux olympiques de Pyeongchang (9-25 février).

L’annonce du Comité olympique norvégien ne faisait plus guère de doute depuis une ultime course ratée, la semaine dernière à Ruhpolding (Allemagne) : Bjoerndalen avait échoué à la 42e place. C’est la première fois depuis 1994 que la liste des olympiens norvégiens n’abrite pas le nom de Bjoerndalen.

« Les résultats atteints par Ole Einar Bjoerndalen en individuel en Coupe du monde (…) ne sont pas assez bons. Il n’a hélas pas satisfait aux critères » de sélection, a expliqué le chef du comité, Tore Oevreboe.

« Ca craint »

« Ça craint que je ne puisse pas y aller », a réagi le champion lundi, cité par la chaîne TV2. « Je pense que j’aurais pu retrouver la forme d’ici les JO », a-t-il ajouté, en se disant en désaccord avec la décision du Comité olympique norvégien. Le biathlète s’est gardé d’annoncer la fin de sa carrière : la possibilité existe en effet qu’il dispute des manches de Coupe du monde après les JO, pour un dernier baroud.

Les JO d’hiver perdent donc un visage familier, qui faisait partie du paysage depuis Lillehammer (Norvège) en 1994. L’actuel roi de la discipline, le Français Martin Fourcade, était alors encore en maternelle… Bjoerndalen était « le héros de mon enfance », disait d’ailleurs de lui Fourcade l’an dernier.

C’est à Nagano (Japon), en 1998, que Bjoerndalen perce. Après avoir été coupé dans son élan la veille par la météo, il remporte le sprint puis offre l’argent à la Norvège en relais. S’ensuit une longue moisson de titres olympiques qui lui assurera une place de choix dans le cœur de ses compatriotes, férus de ski.

A Nagano, Ole Einar Bjoerndalen remporte son premier titre olympique, dans le sprint, devant son compatriote Frode Andresen. / TORSTEN BLACKWOOD / AFP

Bien qu’attendue, la décision du comité a semé la consternation parmi eux. Sur les réseaux sociaux, certains parlaient de « scandale » et de « journée triste pour le biathlon ».

Dans une nouvelle ère

La Norvège se souvient notamment du « grand chelem » réalisé aux JO de Salt Lake City (Etats-Unis) en 2002 (4 titres en 4 épreuves) mais aussi des 95 victoires individuelles en Coupe du monde, des six gros globes de cristal et des 20 titres mondiaux.

Bjoerndalen a fait entrer le biathlon dans une nouvelle ère, s’imposant des charges de travail nouvelles dans la discipline. Ses dix années (1997-2007) de féroce adversité avec le Français Raphaël Poirée ont permis à la discipline de décoller médiatiquement.

Aussi modeste et discret que populaire, le « Roi Ole » a gagné l’estime de tous, coéquipiers comme concurrents. « Ce serait super bizarre d’aller aux JO sans Bjoerndalen », estimait le meilleur biathlète norvégien du moment, Johannes Boe, cité par l’agence NTB quelques heures avant l’annonce de la sélection.

Enfant, le fils d’agriculteur consacrait l’argent gagné grâce aux travaux à la ferme à l’achat d’une lampe frontale, pour s’entraîner le soir. Il pratiquait le tir sur les soutiens-gorge de sa mère, pendus au fil à linge, et faisait vœu dès 12 ans de ne pas toucher à l’alcool, selon des anecdotes relatées par la radiotélévision NRK.

Les experts prédisaient son départ à la retraite depuis de nombreuses années, mais à Sotchi, à 40 ans, Bjoerndalen avait remporté l’or dans le sprint, devenant le plus vieux champion olympique de l’histoire en sports d’hiver.

Mais dans une nation aussi riche en biathlètes que la Norvège, son niveau ne lui permettait plus d’espérer une qualification olympique, ne serait-ce qu’en tant que remplaçant.