Documentaire sur France 3 à 20 h 55

Antoine De Caunes / © ADLTV 2017

A l’aube des années 1980, avec ses trois chaînes dont la toute jeune France 3, la télévision ronronne. Et les Français, qui n’aiment rien de moins que la critiquer, commencent à faire part de leur lassitude devant cet écran qui voit défiler toujours les mêmes têtes. Tout particulièrement dans le domaine roi – celui des variétés – que se partagent Danielle Gilbert, le midi, Guy Lux et Maritie et ­Gilbert Carpentier, le samedi soir. Quand les artistes – souvent les mêmes également – ne font pas halte l’après-midi sur les plateaux d’« Aujourd’hui madame ».

« C’est une télévision de rendez-vous, qui n’a pas beaucoup de moyens, sauf pour le divertissement », concède Michel Drucker, qui animera durant cette décennie 1980 le légendaire « Champs-Elysées ». Une décennie qui voit, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, le 10 mai 1981, le paysage audiovisuel connaître sa première grande révolution marquée, notamment, par la création, en 1984, d’une chaîne payante, Canal+. ­Suivra, deux ans plus tard, la naissance de La Cinq de Silvio Berlusconi et de TV6, qui devient M6 lorsqu’elle est attribuée au groupe RTL en 1987 ; cette même année, TF1, la chaîne historique, est privatisée et ­confiée, au grand dam de Jean-Luc Lagardère à Francis Bouygues.

Myriade d’émissions inédites

Cet éclatement va profondément bouleverser la télévision, exacerber la concurrence et la projeter dans une nouvelle ère au cours de laquelle apparaissent – et parfois disparaissent aussi vite – une myriade d’émissions inédites qui laissent entrevoir de nouvelles tendances. Et avec elles, de nouvelles figures, tant dans le domaine des variétés et des divertissements (Christophe Dechavanne, Thierry Ardisson, Antoine de Caunes…) que dans le secteur de l’infor­mation (Christine Ockrent, Anne ­Sinclair, Patrick Poivre d’Arvor, Guillaume Durand…).

Thierry Ardisson / © ADLTV 2017

Pour retracer cette décennie aussi turbulente qu’innovante, Philippe Thuillier a ouvert très largement – trop sans doute – la boîte aux archives, où il a puisé la matière d’un documentaire en deux longues parties, dont la seconde sera diffusée le vendredi 26 janvier, à 20 h 50. Ce gigantesque zapping, agrémenté de commentaires et d’anecdotes des acteurs de l’époque (journalistes, producteurs, animateurs…), ravira sans doute les amateurs du genre, heureux de retrouver – même pour la énième fois – des extraits de « Droit de réponse », des « Enfants du rock », de « Nulle part ailleurs », du « Jeu de la ­vérité » ou de « Psy-show ».

Quant aux autres, gavés après les fêtes de best of et autres bêtisiers, qui attendraient un décryptage – hors d’une simple narration chronologique – et une analyse sur les grandes tendances qui se font jour et marqueront les ­décennies à venir (telles que la montée en puissance des ano­nymes ou des chaînes d’info), ils en seront pour leurs frais.

Recyclage indigeste

Dire et redire que cette décennie révolutionne la télévision est une chose, en faire la démonstration en prenant de la hauteur en est une autre. Philippe Thuillier n’y parvient pas, qui demeure au ras des images et du propos. Avec une volonté d’être quasi exhaustif, ­sinon comment comprendre les deux fois deux heures qu’il nous inflige, où malheureusement sont à peine mentionnés les émissions culturelles, les magazines de société et les fictions (téléfilms et séries). Cette décennie méritait mieux qu’un recyclage aussi indigeste et indigent.

La Télé des années 80. Les dix ans qui ont tout changé, de Philippe Thuillier (Fr., 2017, 2 x 125 min).