« Fortunata » : un mélodrame maquillé comme un camion
« Fortunata » : un mélodrame maquillé comme un camion
Par Thomas Sotinel
Jasmine Trinca déploie une énergie impressionnante dans son personnage de coiffeuse prise à la gorge par la vie, sans faire oublier les conventions du scénario.
Depuis Michel Ange, la figure de la mater dolorosa fait fortune en Italie. En mettant en scène Fortunata, Sergio Castellitto a sans doute voulu la moderniser, il n’a fait que la remaquiller. Le destin de Fortunata, coiffeuse à domicile affligée d’un ex-mari violent et d’un amant maniaco-dépressif, a pour accessoires tous les signes de l’époque – les tatouages et les téléphones mobiles, la précarité économique et le poids de l’Etat-providence. Il n’empêche que l’accumulation de malheurs qui frappe la pauvre femme est aussi désuète qu’un de ces mélos italiens du temps du muet que les Parisiens peuvent découvrir en ce moment à la Fondation Jérôme Seydoux.
Dans un grand ensemble de la périphérie romaine, Fortunata (Jasmine Trinca) court toute la journée. Parce que sa fille de 7 ans crache à l’école, elle doit la montrer à un psychologue (Stefano Accorsi), malgré les objections de son ex-mari (enfin… pas tout à fait, ils sont en procédure de divorce, et ça se passe bien sûr très mal). Policier violent (Edoardo Pesce), celui-ci est jaloux à la fois du gentil psy et du voisin de sa future ex-épouse, un garçon au regard doux et fou (Alessandro Borghi) qui s’occupe de sa mère démente (Hanna Schygulla), jadis tragédienne de grand renom.
Energie désespérée
Ces tragédies sont illuminées par le soleil romain, exacerbées par une palette de couleurs vives qui contrastent trop violemment avec l’obscurité des passions ici en jeu pour être plus qu’un camouflage. Acteur, Sergio Castellitto semble n’avoir qu’une préoccupation, mettre en valeur le talent de Jasmine Trinca. Découverte dans La Chambre du fils, revue dans Le Caïman, de Nanni Moretti, l’actrice a probablement été souvent victime de sa beauté.
Maquillée comme une pauvresse (il y a un peu de condescendance dans la peinture du quartier où vit Fortunata), mue par une énergie désespérée, l’actrice occupe l’écran, souvent au détriment des partenaires. Si l’on s’intéresse à l’attribution des David di Donatello, l’équivalent italien des Césars, on peut parier une somme raisonnable sur la nomination de Jasmine Trinca au trophée de la meilleure actrice.
FORTUNATA Bande-annonce VOST
Durée : 01:28
Film italien de Sergio Castellitto. Avec Jasmine Trinca, Stefano Accorsi, Alessandro Borghi, Edoardo Pesce, Hanna Schygulla (1 h 43). Sur le Web : www.facebook.com/FortunataIlFilm et www.paname-distribution.com