L’éditeur Gui Minhai à nouveau arrêté par les autorités chinoises
L’éditeur Gui Minhai à nouveau arrêté par les autorités chinoises
Par Florence de Changy (Hongkong, correspondance)
Libéré en octobre 2017, l’écrivain, critique du Parti communiste chinois, a été à nouveau interpellé le 20 janvier alors qu’il se rendait à l’ambassade de Suède à Pékin.
Des avis de recherche de l’éditeur suédois d’origine chinoise Gui Minhai, en janvier 2016. / ANTHONY WALLACE / AFP
Des cinq libraires et éditeurs hongkongais « disparus » entre octobre 2015 et janvier 2016, et réapparus des mois plus tard aux mains de divers services de sécurité chinois, Gui Minhai, ressortissant suédois, avait été le dernier à être partiellement libéré, en octobre 2017. Selon ses proches, il ne devait pas quitter sa ville natale de Ningbo, où sa mère réside.
Il a été à nouveau arrêté samedi 20 janvier, alors qu’il était accompagné de deux diplomates suédois et se rendait à Pékin pour un rendez-vous médical à l’ambassade de Suède. Selon sa fille basée à Londres, Angela Gui, une dizaine de policiers en civil seraient montés à bord du train pour l’emmener peu avant l’arrivée à Pékin. Depuis, ses proches sont sans nouvelles de lui. Le gouvernement suédois a convoqué l’ambassadeur chinois à Stockholm et a réclamé sa libération immédiate. « Les autorités chinoises nous ont assuré à de nombreuses reprises que M. Gui Minhai était libre (...) et que nous pouvions avoir tous les contacts que nous souhaitions avec notre concitoyen », indique le communiqué du gouvernement suédois.
Dans l’attente d’un procès
Selon le témoignage publié dans le South China Morning Post de Woo Chih-wai, un employé de Causeway Bay Books, la maison d’édition à l’origine de toute l’affaire, Gui Minhai était dans l’attente d’un hypothétique procès lié aux ventes de livres publiés par sa maison d’édition à Hongkong et interdits en Chine. Le procès aurait dû avoir lieu avant le 19e congrès du Parti communiste chinois, qui s’est tenu en octobre 2017. « Sa femme, qui vit en Allemagne, a pu aller le voir, mais pas sa fille Angela. Il se rendait peut-être à l’ambassade de Suède à Pékin pour y être protégé », a ajouté Woo Chih-wai.
Pourtant, toujours selon Woo Chih-wai, Gui Minhai avait pu se rendre plusieurs fois à Shanghaï pour des formalités administratives. « Il nous semble que ces voyages avaient été pré-approuvés. » Un autre proche, le poète chinois en exil Bei Ling, qui n’a pas été en contact direct avec Gui, a également affirmé au même journal qu’après sa libération en octobre, il avait fait part à un écrivain chinois basé à Shanghaï, qu’il avait appelé d’une cabine téléphonique, de son intention de renouveler son passeport suédois. « L’impression parmi ses amis était qu’il allait être autorisé à partir », a déclaré Bei Ling.
La porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Hua Chunying, a indiqué, mardi 23 janvier, que « n’importe quel étranger en Chine, y compris les membres du corps consulaire ou diplomatique, ne devaient pas violer des lois internationales ou la loi chinoise ». Elle a précisé que cette affaire n’était pas gérée par les affaires étrangères chinoises. « Renseignez-vous auprès des services concernés », a-t-elle suggéré aux journalistes lors du point presse du ministère.
« Aveux » forcés
Historien de formation, écrivain et poète, Gui Minhai fit son troisième cycle à l’université de Göteborg (Suède) à partir de 1988. Il obtint la nationalité suédoise en 1992 à la suite du massacre de la place Tiananmen (1989). Il s’intéressa ensuite au gouvernement chinois et à la vie de certains hommes politiques importants. Depuis 2008, l’entrée en Chine lui était refusée. En 2012, il cofonda une petite maison d’édition à Hongkong, Mighty Current, laquelle racheta la librairie Causeway Bay Bookstore en 2014.
Après sa première disparition, alors qu’il était en Thaïlande, il était réapparu pour faire des « aveux » (forcés) selon lesquels il aurait tué une jeune femme au cours d’un accident de voiture en 2003 et s’était rendu à la police chinoise de son plein gré afin d’être jugé. Alors qu’officieusement, ses soucis sont largement imputés à des informations compromettantes dont il disposerait, notamment sur les piliers du gouvernement chinois, le contenu des livres vendus par sa librairie est généralement qualifié de « commérages ».
A Hongkong, l’épisode dit des « libraires disparus » a été le premier cas flagrant d’une opération de grande ampleur de la police chinoise visant des citoyens hongkongais critiques du Parti communiste chinois.