Paul Romer, le très polémique économiste en chef de la Banque mondiale, démissionne
Paul Romer, le très polémique économiste en chef de la Banque mondiale, démissionne
Par Marie de Vergès
L’Américain, qui aura occupé ces fonctions pendant moins de quinze mois, va retrouver son poste de professeur à l’université de New York.
Paul Romer, au centre, à New York, en 2015. / Larry Busacca / AFP
Clap de fin pour Paul Romer. Le très controversé économiste en chef de la Banque mondiale a démissionné, mercredi 24 janvier, après avoir déclenché une polémique autour d’un rapport phare de l’institution, le « Doing Business ». L’Américain, qui aura occupé ces fonctions pendant moins de quinze mois, va retrouver son poste de professeur à l’université de New York.
L’embauche de M. Romer, économiste éminent et jugé nobélisable pour ses travaux d’avant-garde sur les théories de la croissance, avait été saluée comme un joli coup de la part de la Banque mondiale. Une façon, pour l’institution, de continuer à faire entendre sa musique et de garder son aura sur les questions de développement. Installée à Washington, la Banque est spécialisée dans le financement du développement des pays pauvres et émergents.
Las, Paul Romer a davantage fait parler de lui pour les démêlés qui n’ont cessé de l’opposer au département de la recherche. En mai 2017, il avait même été défait de ses responsabilités managériales : les relations étaient devenues exécrables avec ses équipes, sommées sans ménagement d’adopter un langage plus clair et concis. Son combat ? Raccourcir les rapports, comme les courriels ou les interventions – quitte à interrompre les bavards impénitents en plein exposé. Et, surtout, débarrasser les publications de leur surabondance de « bankspeak », comme un groupe de chercheurs a surnommé, en 2015, ce jargon technique et abstrait propre à l’institution.
Tempête au Chili
Le dernier coup d’éclat de M. Romer a plongé la Banque dans l’embarras et précipité son départ. Mi-janvier, dans un entretien au Wall Street Journal, l’économiste s’était interrogé tout haut sur l’intégrité du « Doing Business », ce classement mondial sur la facilité à faire des affaires. M. Romer suggérait que des changements de méthodologie souffrant d’imprécisions, voire d’un biais politique, avaient affecté démesurément les performances de certains Etats, dont le Chili.
Ces propos ont déclenché une tempête au Chili et poussé la Banque à publier un communiqué pour défendre l’objectivité du rapport. Elles ont aussi suscité la fureur de l’économiste responsable du « Doing Business ». Quelques jours plus tard, Paul Romer faisait machine arrière sur son blog, s’excusant d’avoir laissé croire à une quelconque manipulation politique.
« Paul est un économiste accompli et un individu éclairé », a indiqué le directeur de la Banque, Jim Yong Kim, dans une note adressée aux équipes. « J’ai apprécié la franchise et l’honnêteté de Paul, et je sais qu’il regrette les circonstances de son départ », a-t-il poursuivi.
Le goût de M. Romer pour la controverse ne date pas de son passage à la Banque mondiale. Ces dernières années, il s’est fait plus d’un ennemi parmi ses pairs en critiquant sans relâche leur recours à des modèles mathématiques selon lui déconnectés de la réalité.