Ces maires qui réclament que les préfets relogent les locataires expulsés
Ces maires qui réclament que les préfets relogent les locataires expulsés
Par Isabelle Rey-Lefebvre
Faute de parvenir à empêcher les expulsions locatives dans leurs communes, six maires de Seine-Saint-Denis veulent que revienne aux préfets l’obligation de trouver des solutions de relogement.
La Courneuve (Seine-Saint-Denis). / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Sanglés dans leur écharpe tricolore, les élus de six villes de Seine-Saint-Denis, Aubervilliers, Bondy, Bagnolet, la Courneuve, Stains et Villetaneuse sont venus, jeudi 25 janvier défendre la légalité de leur arrête municipal anti-expulsion locative. Pour l’occasion la petite salle d’audience du tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) était comble avec la députée communiste Marie-George Buffet et des militants de la Confédération nationale du logement, venus en renfort.
C’est une bataille que ces maires mènent depuis 2010. Chaque année, ils publient un arrêté pour interdire les expulsions locatives dans leur commune. Tout aussi régulièrement, le tribunal administratif saisi par le préfet invalide cette mesure, arguant qu’un maire ne peut s’immiscer dans l’exécution d’une décision de justice, en l’occurence celle qui a prononcé l’expulsion du locataire.
Cette fois, ces maires communistes pensent avoir trouvé la parade. Leurs six arrêtés, tous publiés entre la fin mars et le début avril 2017, précisent qu’une fois la personne expulsée, le préfet doit s’assurer de son relogement. « Nous n’empêchons pas l’expulsion mais réclamons le relogement des personnes ainsi placées dans des situations indignes » affirme Azzedine Taïbi, le maire (PCF) de Stains.
Peu convaincu
Dans sa commune, les expulsions manu militari se multiplient, 75 ont eu lieu en 2017, contre 45 en 2016. « Lors des commissions de prévention des expulsions, le sous-préfet se montre de plus en plus intransigeant et n’accorde plus de délais », poursuit l’édile. Il s’agit d’économiser les deniers publics, car dans les cas de refus d’accorder le concours de la force publique, l’Etat doit indemniser les propriétaires lésés. « Mais cela coûte beaucoup plus cher de payer l’hôtel à une famille, avec le risque de déscolariser les enfants que de réquisitionner un logement vacant », remarque M. Taïbi.
La nouvelle version des arrêtés municipaux ne semble pas avoir convaincu le rapporteur public, Laurent Buisson, qui, devant le président du tribunal, a réclamé leur annulation, invoquant les mêmes motifs que les années précédentes « Les municipalités ont essayé de contourner la difficulté mais l’intention est la même, celle d’interdire les expulsions », a t-il argumenté. « Mais il ne s’agit pas de juger des intentions, mais de faire du droit », a vivement rétorqué Me Roland Weyl, le défenseur des communes.
« Cette fois nous avons le droit de notre côté, l’expulsion peut avoir lieu mais une fois à la rue le préfet doit reloger », a plaidé l’avocat. « Manifestement le préfet n’a pas lu ces nouveaux arrêtés ni entendu le président de la République qui, en juillet 2017, a déclaré à Orléans, que d’ici la fin de l’année 2017, il ne voulait plus voir personne dans les rues. Le préfet veut-il laisser les gens dehors ? » s’est-il interrogé en rappelant la valeur constitutionnelle du droit au logement et invoquant le pacte des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels dont l’article 11 enjoint aux Etats de mettre à l’abri et d’assurer un logement suffisant à toute personne et sa famille.
Le délibéré sera prononcé le 7 février.