Meurtre de Sarah Halimi : vers une reconstitution
Meurtre de Sarah Halimi : vers une reconstitution
Par Louise Couvelaire
Depuis le 4 avril 2017, Kobili Traoré, le meurtrier présumé, est interné. Une nouvelle expertise psychiatrique le déclare apte à participer à une reconstitution du crime.
« Kobili Traoré va mieux. » Ces mots figurent dans les conclusions de l’expertise psychiatrique du docteur Daniel Zagury signée le 8 janvier. C’est la seconde fois que le psychiatre est sollicité pour se prononcer sur l’état mental du jeune homme de 27 ans, meurtrier de sa voisine Sarah Halimi, retraitée, de confession juive, qu’il a battue puis défenestrée au cri de « Allahou Akbar » dans la nuit du 3 au 4 avril 2017. Depuis les faits, il est interné à l’hôpital de Villejuif (Val-de-Marne). « Son traitement a été un peu allégé (…) mais il demeure fragile », ajoute le docteur Zagury.
Chargé de déterminer s’il existe une contre-indication médicale à une reconstitution du crime, que les parties civiles réclament depuis plusieurs mois, le psychiatre déclare Kobili Traoré apte à y prendre part, sans pouvoir prévoir si sa participation sera utile ou non. Il précise : « Une telle épreuve comporte un risque de rechute délirante. » Dans sa première expertise, datée du mois de septembre, Daniel Zagury avait estimé que le suspect, sans antécédents psychiatriques, était atteint, au moment des faits, d’une « bouffée délirante aiguë » induite par une forte consommation de cannabis. Selon l’expert, son discernement était « altéré » mais pas « aboli ». Il est donc accessible à une sanction pénale.
Un état mental qui demeure fragile
Au cours des derniers entretiens, « Kobili Traoré est apparu plus apaisé, plus réfléchi, moins émoussé », note le docteur Zagury. Mais « sans grande expressivité affective, à distance, émotionnellement neutre ». « Il conserve des bribes de souvenirs filmiques, il se remémore l’atmosphère d’angoisse extrême, mais il a beaucoup de mal à restituer dans l’après coup les idées qui étaient alors les siennes », explique l’expert. Et de poursuivre : « Kobili Traoré a bien compris que l’un des enjeux de cette reconstitution était le passage de l’appartement de la famille Diarra à celui de Madame Halimi, les raisons de ce passage. »
Cette nuit-là, en effet, le suspect s’est d’abord rendu chez les Diarra, une famille amie de la sienne d’origine malienne elle aussi, avant d’enjamber le balcon pour pénétrer chez Sarah Halimi, dont l’appartement se situe dans l’immeuble mitoyen. Jugeant le comportement du suspect agressif, les Diarra s’étaient alors enfermés dans une chambre et y étaient restés jusqu’à ce que la police appréhende le suspect, une heure plus tard. « Qu’ils aient eu peur, c’est certain, commente l’avocat des trois enfants de la victime, Me Buchinger. Mais il n’y a eu aucun coup porté sur eux ! Nous pensons que ce n’est pas un hasard si Traoré a changé d’immeuble en passant par le balcon. Il savait très bien chez qui il allait : sa voisine juive. » Kobili Traoré connaissait les appartements des uns et des autres, mais il a réaffirmé au psychiatre qu’il n’avait pas réalisé qu’il se rendait chez Mme Halimi.
Pour l’heure, Kobili Traoré a été mis en examen pour « homicide volontaire », mais sans les circonstances aggravantes d’antisémitisme et de préméditation. Dans sa première expertise, le docteur Zagury avait conclu à un acte « délirant et antisémite ». Dans la foulée, le 20 septembre, le parquet avait demandé une requalification du crime. Plus de quatre mois après, les parties civiles attendent toujours que la juge d’instruction se prononce à son tour.
Face à son silence, Me Buchinger a saisi, le 12 janvier, le président de la chambre de l’instruction. « Ou la reconstitution du crime ou l’audience devant la chambre de l’instruction déterminera si la circonstance aggravante d’antisémitisme sera retenue », explique l’avocat. L’une ou l’autre devrait avoir lieu dans les trois mois. Dans le cas d’une reconstitution, le psychiatre conclut : « Kobili Traoré devra être protégé du climat d’hostilité et être encadré par des soignants en nombre suffisant, car son état mental actuel demeure fragile, justifiant la poursuite du traitement en Unité pour malades difficiles. »