Le patron de Gucci, Marco Bizzarri, épinglé pour ses pratiques d’évasion fiscale
Le patron de Gucci, Marco Bizzarri, épinglé pour ses pratiques d’évasion fiscale
Par Maxime Vaudano
François-Henri Pinault, le patron du groupe Kering, aurait été informé des montages mis en place par ses équipes pour limiter ses impôts.
Le PDG de Gucci, Marco Bizzarri, le 29 octobre 2016 à Los Angeles (Etats-Unis). / Frederick M. Brown / AFP
« Un travail d’orfèvre ». C’est ainsi que Mediapart et ses partenaires du consortium européen d’investigation EIC qualifient les efforts de Kering (ex-Pinault-Printemps-Redoute) pour réduire sa facture fiscale sur le salaire mirobolant de Marco Bizzarri, l’un des dirigeants stars du groupe français du luxe, patron depuis 2014 de la marque Gucci.
Le site d’information détaille par le menu, documents confidentiels à l’appui, les montages mis en place par les experts fiscalistes du groupe pour réduire les impôts de Kering et de M. Bizzarri lui-même. Ces montages remontent à 2010 – date à laquelle il dirigeait encore Bottega Veneta, une autre marque du groupe. Et selon un courriel reproduit par Mediapart, le patron du groupe, François-Henri Pinault, cinquième fortune française, en aurait été parfaitement informé.
Une société écran au Luxembourg
Au cœur de ce système se trouve une discrète société écran luxembourgeoise appartenant à Kering : Castera. Cette holding sans locaux ni personnel semble avoir eu pour activité principale de rémunérer Marco Bizzarri (environ 8 millions d’euros par an). Le premier avantage offert par le Luxembourg à Kering est le très faible niveau des cotisations sociales : elles oscillent entre 0,16 et 0,42 % sur la période 2012-2016, selon les comptes de la société consultés par Le Monde. Le Grand-Duché épargne aussi à M. Bizzarri tout impôt sur le revenu, car il ne travaille pas sur place.
Il fallait toutefois bien que l’actuel patron de Gucci paie ses impôts quelque part. Peut-être attiré par la clémence fiscale des cimes helvétiques, il a installé sa résidence fiscale en Suisse, à deux pas de la frontière italienne, où il a pu bénéficier d’une imposition forfaitaire très accommodante d’environ 4 %. Problème : l’enquête de Mediapart et ses partenaires suggèrent le caractère tout relatif de cette « résidence ». Pendant toute cette période, Marco Bizzarri travaillait en effet à Milan, où il disposait d’un confortable penthouse. Plusieurs éléments de l’enquête permettent de douter qu’il passait plus de la moitié de l’année en Suisse – condition sine qua non pour y être domicilié fiscalement.
Les médias de l’EIC se gardent de trancher sur la légalité de ces montages et des remontrances éventuelles qu’aurait pu formuler le fisc italien. Mais selon une source citée par Mediapart, M. Bizzarri aurait finalement renoncé à sa domiciliation suisse dans le courant de l’année 2017.
Ces révélations interviennent dans un contexte peu favorable pour Gucci, dont les bureaux de Milan et de Florence ont fait l’objet de perquisitions à l’automne dans le cadre d’une enquête pour fraude fiscale. La marque est soupçonnée d’avoir échappé à 1,3 milliard d’euros en localisant artificiellement ses profits en Suisse.