Blablacar tente de se relancer grâce à un nouvel algorithme
Blablacar tente de se relancer grâce à un nouvel algorithme
LE MONDE ECONOMIE
Le leader européen du covoiturage longue distance affine son offre face à la concurrence, en proposant davantage de trajets porte à porte.
Au siège de Blablacar, à Paris, en septembre 2015. / Christophe Morin/ Bloomberg via Getty Images
Renouer avec la croissance des belles premières années : tel est le défi que s’est lancé Blablacar en 2018. L’inventeur du covoiturage de longue distance, né il y a douze ans, fait peau neuve avec une nouvelle identité visuelle et, surtout, un nouveau moteur de recherche, lancé mardi 30 janvier. Celui-ci est conçu pour multiplier les trajets de porte à porte. Un « pas supplémentaire » sur lequel les fondateurs de la marque fondent beaucoup d’espoir.
Depuis plusieurs mois, en effet, Blablacar connaît quelques cahots. Fini la période d’expansion phénoménale. Le nombre des « blablanautes » avait été multiplié par dix entre 2013 et 2015 ; il n’a « que » doublé entre 2015 et 2017, pour atteindre les 60 millions de membres, dont un quart en France.
A priori pas de quoi s’alarmer, mais les pertes de parts de marché sont significatives sur certaines destinations phares. « Le paysage du transport n’est pas le même qu’avant 2015 quand ni les cars Macron ni les TGV low cost n’existaient, constate Nicolas Brusson, cofondateur et directeur général de Blablacar. Sur certaines destinations, nous avons perdu une partie de nos passagers. »
« Créer un maillage encore plus grand du territoire »
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) a chiffré la perte du covoiturage au profit des cars longue distance à 1,4 million d’euros en 2017 en France. Du côté des trains, Blablacar doit faire face à l’offensive petits prix de la SNCF : succès de l’abonnement TGV Max, augmentation de l’offre TGV Ouigo et des Intercités « 100 % éco ». Blablacar n’est plus le moins cher. Sur un Paris-Bordeaux, au départ le 31 janvier, les cars Macron démarrent à 12 euros, la SNCF à 16 euros et Blablacar à 36 euros.
L’idée, pour se relancer, est de valoriser le potentiel de souplesse du service Blablacar en mettant en avant une offre de desserte fine dont le transport en commun classique n’est pas capable. « Blablacar, c’est déjà 38 000 points de départ en France, contre seulement 4 000 gares, remarque M. Brusson. Grâce à notre nouvel outil, nous serons en mesure de créer un maillage encore plus grand du territoire. »
Testé depuis deux ans sur Paris-Bordeaux et Toulouse-Nice, l’algorithme propose automatiquement des points de rendez-vous sur la route des conducteurs, rendant visibles des déplacements plus locaux et plus nombreux pour les passagers. Un potentiel alléchant car « 85 % de la population française ne vit pas dans une grande ville-centre », rappellent les dirigeants de Blablacar.
Désormais, les passagers qui indiqueront leurs adresses précises de départ et d’arrivée visualiseront sur l’application l’ensemble des conducteurs Blablacar qui doivent passer à proximité de chez eux et pourront leur envoyer une demande de voyage. Ainsi, un classique Paris-Lyon est susceptible de se transformer en un Evry-Villefranche-sur-Saône, doublé d’un Beaune-Villeurbanne ou même d’un Courtenay (Loiret)-Belleville (Rhône).
Pression des investisseurs
« L’objectif est aussi d’améliorer le taux de remplissage pour les conducteurs », ajoute Frédéric Mazzella, le président-fondateur de l’entreprise. On touche là au cœur du problème. Blablacar, qui ne communique aucunes données financières, continue à perdre de l’argent. Il faut donc croître, sans pour autant augmenter les pertes, c’est-à-dire sans comprimer les prix outre mesure.
Alors, en difficulté Blablacar ? La pression des investisseurs, qui ont mis 200 millions de dollars (environ 170 millions d’euros) dans l’entreprise en 2015, est probablement forte. Eux savent à quelle vitesse l’entreprise brûle son cash. Avec cette initiative, Blablacar se recentre sur son savoir-faire de base. Il n’est plus question de s’éparpiller dans le covoiturage de courte distance (Blablalines) ou dans la location longue durée de véhicules, expérimentée en 2017.
« Nous sommes face à une situation normale pour une entreprise qui a transformé un marché avec ses innovations de rupture, explique Guillaume Crunelle, associé, responsable de l’industrie automobile, au cabinet de conseil Deloitte. Blablacar doit maintenant faire face à la contre-attaque des acteurs traditionnels. Sa réponse consiste à appliquer au transport partagé ce que Netflix ou Spotify ont apporté dans leur secteur : une capacité à aller chercher de multiples transactions que personne d’autre ne peut offrir. »