La France peut-elle rattraper son retard dans les renouvelables ?
La France peut-elle rattraper son retard dans les renouvelables ?
Par Pierre Le Hir
A la traîne par rapport à beaucoup de ses voisins, l’Hexagone doit redoubler d’efforts si il veut atteindre les objectifs qu’il s’est fixés en matière d’énergies « vertes ».
Le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot lors d’une visite dans un parc éolien à Juillé (Sarthe), le 8 janvier. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
« Accélérons la croissance des énergies renouvelables face à l’urgence climatique. » Le thème choisi pour le 19e colloque annuel du Syndicat des énergies renouvelables (SER), jeudi 8 février à Paris, résume la situation d’un secteur économique au milieu du gué. A la traîne par rapport à nombre de ses voisins, la France doit redoubler d’efforts si elle veut atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés en matière d’énergies « vertes ».
Les données publiées, fin janvier, par Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne (UE), la classent parmi les cancres de l’espace communautaire. Avec 16 % de sa consommation finale d’énergie provenant de sources renouvelables fin 2016, la France se situe au-dessous de la moyenne européenne (17 %), loin derrière les champions que sont la Suède (53,8 %), la Finlande (38,7 %), la Lettonie (37,2 %), l’Autriche (33,5 %) ou le Danemark (32,2 %). Elle devance toutefois l’Allemagne (14, 8 %) et le Royaume-Uni (9,3 %).
Surtout, elle est, avec les Pays-Bas, le pays qui accuse le plus gros retard par rapport à son objectif pour 2020, soit 23 %. Cela, alors que onze des vingt-huit Etats membres de l’UE ont déjà atteint – et parfois largement dépassé – leur cible.
Part des renouvelables dans la consommation d’énergie des pays européens en 2016. / Eurostat
Une soudaine embellie
« L’objectif de 2020 est hors de portée », a prévenu depuis plusieurs années le président du SER, Jean-Louis Bal. Pour autant, le seuil de 32 % prévu, en 2030, par la loi de transition énergétique, lui semble accessible. Il en veut pour preuve « la hausse record » des raccordements d’installations de production d’électricité renouvelable en 2017.
Au cours de l’année écoulée, précise-t-il, une capacité de 2 763 mégawatts (MW) s’est ajoutée sur le réseau métropolitain, dont 1 797 MW d’éolien (contre 1 345 MW en 2016) et 887 MW de solaire photovoltaïque (576 MW en 2016). A lui seul, le quatrième trimestre a enregistré une progression d’un peu plus de 1 100 MW. Un rythme de croissance proche des 5 000 MW de puissance annuelle supplémentaire nécessaires pour atteindre la fourchette haute définie, à l’horizon 2023, par l’actuelle programmation pluriannuelle de l’énergie : 26 000 MW d’éolien terrestre (contre 13 500 MW fin 2017) et 20 000 MW de photovoltaïque (7 600 MW aujourd’hui).
Une hausse record de raccordements en 2017. / Syndicat des énergies renouvelables
Comment expliquer cette soudaine embellie ? Elle n’est pas due à l’action – trop récente pour avoir encore produit des effets – du ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, mais aux mesures prises par sa prédécesseure, Ségolène Royal. En particulier, à la simplification administrative que constitue l’autorisation environnementale unique, pour les installations de production d’énergie renouvelable, et au surcroît d’appels d’offres lancés ces dernières années, pour le photovoltaïque.
Une baisse continue du prix de l’électricité verte
Du nouveau ministre, le syndicat professionnel, qui regroupe 380 adhérents représentant un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros et plus de 100 000 emplois, attend qu’il « prolonge et amplifie ce qui a été engagé par Mme Royal ».
Les premières décisions de M. Hulot sont à cet égard saluées, qu’il s’agisse du doublement du volume annuel des appels d’offres dans le photovoltaïque – porté à 2 450 MW –, ou du « plan de libération » annoncé mi-janvier, pour l’éolien terrestre, par Sébastien Lecornu, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition écologique.
Un facteur supplémentaire contribue à ce vent d’optimisme : la baisse continue du prix de l’électricité verte. Les attributions attendues à la suite des derniers appels d’offres devraient ramener le prix du mégawattheure à moins de 64 euros, pour l’éolien terrestre, et moins de 55 euros, pour le photovoltaïque. Un coût à comparer aux 62 euros estimés en 2014 par la Cour des comptes pour le nucléaire.
Des nuages continuent pourtant d’assombrir l’horizon. D’abord, les six parcs éoliens en mer attribués en 2011 et 2013 au large des côtes normandes, bretonnes et vendéennes, pour une puissance totale de 3 000 MW, sont toujours encalminés par les recours juridiques : leurs turbines ne tourneront pas, dans le meilleur des cas, avant 2021. Un blocage qui contraint les industriels à différer la mise en route de leurs chaînes de production, quand ce n’est pas à recourir au chômage technique.
Une faible couverture en chaleur renouvelable
Quant aux nouvelles énergies marines, elles tardent à émerger, faute d’appels d’offres. Quatre fermes pilotes d’éoliennes flottantes doivent cependant voir le jour d’ici à 2020, en Méditerranée et au large de la Bretagne, et des études de sites doivent être lancées, pour des hydroliennes, dans le passage du Fromveur (Finistère) et le raz Blanchard (Manche).
« Plus encore que dans le secteur de l’électricité, c’est dans celui de la chaleur renouvelable que la France est en retard », ajoute M. Bal. Dans ce domaine, l’Hexagone n’a atteint qu’un taux de couverture de ses besoins de 20 %, presque deux fois moins que les 38 % visés pour 2030. La profession renouvelle donc sa demande de doublement du « fonds chaleur » qui, doté de 210 millions d’euros par an, finance le développement de la biomasse, de la géothermie ou du solaire thermique. Un doublement promis année année par Mme Royal – et annoncé dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron –, mais toujours attendu.
Les professionnels ont désormais les yeux tournés vers la nouvelle programmation pluriannuelle, qui, fin 2018, définira les grands équilibres du mix énergétique national. Avec un cadrage précis pour la période 2019-2023 et de grandes orientations pour les années 2024-2028. En repoussant à plus tard la baisse de la part du nucléaire, le gouvernement a dit vouloir faire d’abord monter en régime les renouvelables. Le SER a pour sa part placé la barre très haut, puisqu’il vise « 41 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 ». Il va effectivement falloir accélérer.