La chef de l’opposition bangladaise, Khaleda Zia, le 7 février à Dacca. / MUNIR UZ ZAMAN / AFP

La condamnation, jeudi 8 février, de Khaleda Zia, dirigeante de l’opposition au Bangladesh, à cinq ans de prison pour corruption, compromet ses chances de participer aux élections législatives prévues à la fin de l’année. Un tribunal l’a reconnu coupable d’avoir détourné 21 millions de takas (206 000 euros) d’un fonds destiné à un orphelinat, lorsqu’elle était première ministre entre 1991 et 1996. Mme Zia a été immédiatement écrouée et devrait rester en prison jusqu’à ce que sa défense fasse appel, comme elle l’a déjà annoncé. Son fils Tarique Rahman, réfugié à Londres, et quatre de ses assistants, ont été condamnés à dix ans de prison.

L’ex-première ministre est poursuivie dans 37 affaires, allant de la corruption à la sédition. Cette première condamnation pourrait empêcher la veuve de l’ex-général-président Ziaur Rahman de se présenter aux élections législatives prévues pour décembre. Selon la loi bangladaise, un candidat est déclaré inéligible s’il est condamné à une peine de prison supérieure à deux ans, mais le ministre de la justice Anisul Huq a déclaré jeudi que la décision finale serait prise par la cour d’appel.

Dans les heures qui ont suivi cette condamnation, des heurts ont éclaté entre des manifestants et la police dans plusieurs villes du pays. Environ 5 000 policiers ont été déployés dans les rues de la capitale, Dacca, où les rassemblements ont été interdits. Le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), dont Mme Zia est la dirigeante, a lancé des appels à manifester, vendredi 9 février, contre le jugement, sans toutefois organiser une grève générale, ou « hartal », comme celles qui ont paralysé le pays à plusieurs reprises au cours des dernières années. « Ce verdict va à l’encontre de la justice et s’inscrit dans le cadre d’une vengeance politique. Nous pensons que ce verdict sera infirmé en instance supérieure », a déclaré Khandkar Mahbub Hossain, avocat de Mme Zia. Au Bangladesh, les autorités politiques sont régulièrement accusées d’interférer avec la justice. Pour la première fois depuis l’indépendance du pays, le président de la Cour suprême, Surendra Kumar Sinha, a démissionné fin 2017 après avoir déploré à plusieurs reprises des « conflits » entre les pouvoirs exécutif et judiciaire.

Arrestations et disparitions forcées

L’opposition dénonce également l’arrestation de ses militants. Selon le BNP, les autorités auraient interpellé environ 3 500 de ses membres au cours des dernières semaines. Les ONG accusent les autorités bangladaises d’avoir multiplié les arrestations et les disparitions forcées d’opposants ces dernières années. Rien qu’en 2017, L’ONG Human Rights Watch a dénombré 80 cas de disparitions forcées ou de détentions secrètes, et sept opposants auraient été tués. En novembre 2017, le ministre de l’intérieur, Asaduzzaman Khan, avait réfuté ces accusations, affirmant que les victimes se cachaient elles-mêmes pour embarrasser le gouvernement. Il avait également minimisé les accusations d’exécutions extrajudiciaires, évoquant plutôt des « membres des forces de sécurité qui agissaient d’elles-mêmes avec trop d’enthousiasme ».

Le pays va-t-il plonger dans la violence à l’approche des élections ? Lors du dernier scrutin, en juin 2014, la première ministre Sheikh Hasina avait refusé de céder le pouvoir à un gouvernement de transition neutre, pendant la durée de la campagne électorale, et avait placé sa rivale sous résidence surveillée. Le BNP avait alors boycotté le scrutin, lors duquel avait été enregistré un faible taux de participation. Depuis la démocratisation du pays dans les années 1990, le Bangladesh est prisonnier de l’animosité viscérale qui oppose Sheikh Hasina, la fille du cheikh Mujibur Rahman, fondateur du pays, assassiné en 1975, et Khaleda Zia, veuve de l’ex-général-président Ziaur Rahman, assassiné en 1981.