Boris Johnson, à Londres, le 14 février. / SIMON DAWSON/AP

Une version douce du Brexit trop calquée sur les normes européennes serait une trahison du vote au référendum. C’est ce qu’a déclaré, mercredi 14 février, le ministre des affaires étrangères, Boris Johnson, dans un discours qui sonne comme un nouveau défi personnel à la première ministre Theresa May et se veut une mise en garde à l’UE.

L’ancien leadeur de la campagne pro-Brexit considère le divorce avec les Vingt-Sept comme « une chance considérable » et « une manifestation du génie national » britannique. « Faire dérailler » le Brexit comme certains le souhaitent, a-t-il déclaré, serait « une erreur désastreuse » qui empêcherait Londres de négocier seule « des accords commerciaux importants » et « provoquerait un sentiment permanent (…) de trahison ».

Incontrôlable figure du gouvernement, le bouillant « BoJo » avait décidé en solo de prononcer ce « discours de la Saint-Valentin ». Pour tenter d’en minimiser l’impact, Mme May a décidé en catastrophe d’envoyer au front trois de ses ministres – MM. Davis, Fox et Lidington – qui interviendront publiquement la semaine du 19 février sur le Brexit, avant une réunion de ce que les médias appellent désormais « le cabinet de guerre sur le Brexit ». Le discours de M. Johnson a lui-même été intitulé « S’unir pour un grand Brexit ».

La première ministre, mise en cause à Bruxelles pour son incapacité à arbitrer entre les positions irréconciliables de ses ministres, doit elle-même prononcer, samedi à Munich (Allemagne), un discours sur la sécurité en Europe. Puis couronner le tout, la semaine du 19, par une grande intervention décrivant enfin « la route du Brexit ».

« La part du lion se trouve en dehors de l’UE »

Alors que d’autres ministres plaident en faveur d’un alignement maximum avec l’UE pour préserver l’économie, Boris Johnson a ouvert cette séquence en défendant un « Brexit libéral », autrement dit une rupture nette qui permette au Royaume-Uni de se « libérer » des règles sociales, fiscales, douanières et environnementales de l’UE.

« Nous serions fous d’endurer ce processus d’extirpation de l’UE sans tirer avantage des libertés qu’il apporte sur le plan économique. C’est seulement en reprenant le contrôle de nos lois que les entreprises britanniques auront la liberté d’innover, sans le risque d’avoir à se conformer à quelque directive concoctée par Bruxelles à la demande pressante d’un lobby dans le but de freiner un concurrent britannique. »

Mais M. Johnson n’a pas dit un mot du rétablissement de la frontière irlandaise que son « hard Brexit » provoquerait nécessairement, compromettant vingt ans de paix du nord au sud de l’île.

Alors que Bruxelles presse Londres de préciser ses choix, M. Johnson a fait un éloge appuyé mais vague de cette « global Britain » qu’il avait déjà vantée pendant la campagne du référendum. « La part du lion » de la croissance économique « se trouve en dehors de l’UE », a-t-il dit pour justifier le choix du grand large.

En choisissant le jour de la Saint-Valentin, M. Johnson cherchait à émettre un message de réconciliation envers la moitié du pays qui fulmine

Fidèle à son style imagé, il a cité le succès des exportations de présentoirs de Toblerone dans les aéroports en Arabie saoudite – faits dans sa circonscription – comme témoignage des ambitions mondiales du pays. Selon lui, le divorce avec l’Union va permettre des percées dans des domaines comme les instruments financiers innovants et la recherche sur les cellules-souches. Le ministre a aussi évoqué l’assouplissement de la réglementation sur l’environnement et sur la protection animale.

« Un durcissement du climat » chez les anti-Brexit

Pour autant, le Brexit n’équivaut nullement à un repli sur soi. « Il n’est pas nécessairement nationaliste et peut être internationaliste », a répété Boris Johnson, dont les talents de ministre des affaires étrangères sont très contestés. En choisissant le jour de la Saint-Valentin, il cherchait à émettre un message de réconciliation envers la moitié du pays qui fulmine (les « remainers », partisans du maintien dans l’UE sont devenus des « remoaners », qui « râlent »). « BoJo » a ainsi reconnu « un durcissement du climat » et « un sentiment de douleur et d’isolement » chez les anti-Brexit à qui il a « tendu la main ».

Pas sûr pourtant que son injonction à considérer le Brexit comme « le grand projet de notre époque » convainque ceux des Britanniques qui y voient la promesse d’un déclin économique et d’un affaiblissement sur la scène mondiale.

Nulle volonté de « lever le pont-levis » avec le Brexit, a-t-il rétorqué, mais la volonté des Britanniques « d’un gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple ». Alors que le statut des compagnies aériennes low cost, très populaires, reste incertain pour l’après-divorce, le chef du Foreign Office a déclaré :

« Nous continuerons encore davantage à prendre des vols bon marché pour des enterrements de vie de garçon dans des villes anciennes, à rencontrer des gens intéressants, à tomber amoureux, à nous démener joyeusement pour apprendre des langues européennes en déclin (…), à prendre notre retraite en Espagne. »

Reconnaissant pour la première fois que certains Britanniques sont « de plus en plus déterminés à arrêter le Brexit », Boris Johnson a qualifié cette revendication d’« intolérable et antidémocratique ». Quant à l’idée d’un second référendum, elle produirait selon lui « une année de plus de querelle et de crise ». « Donc n’allons pas dans cette direction », a-t-il conseillé. Sans pour autant affirmer, qu’en cas de nouveau vote, son camp du Brexit serait à nouveau vainqueur.