Le Parlement adopte définitivement le texte sur la rétention des « dublinés »
Le Parlement adopte définitivement le texte sur la rétention des « dublinés »
Le Monde.fr avec AFP
En dépit de vives réticences en son sein, la majorité LRM-Modem a voté pour ce projet de loi, tout comme la droite. La gauche a voté contre.
Au centre de rétention administrative de Marseille, en 2006. / BORIS HORVAT / AFP
Un tour de chauffe avant le projet de loi asile. L’Assemblée nationale a adopté définitivement jeudi 15 février dans la soirée une proposition de loi, souhaitée par le gouvernement, pour faciliter le placement en rétention des demandeurs « dublinés », en dépit de vives réticences au sein même de la majorité.
Les députés ont voté « conforme » ce texte sur « la bonne application du régime d’asile européen », qui vise à « sécuriser le placement en rétention » des étrangers « Dublin », règlement qui confie en principe le traitement d’une demande au premier pays où la personne a été enregistrée.
Ce placement a été jugé illégal en septembre par la Cour de cassation, du fait de l’absence, dans la loi, de critères établissant « le risque non négligeable » de fuite du demandeur pour justifier une rétention plutôt qu’une assignation à résidence. Or, pour le ministre de l’intérieur Gérard Collomb, qui a fait de l’augmentation des transferts de ces « dublinés » l’une de ses priorités, « sans placement en rétention, il ne peut y avoir d’efficacité de notre politique d’éloignement ».
« Pays de rebond »
Le gouvernement, vivement soutenu par le rapporteur UDI-Agir Jean-Luc Warsmann, a plaidé qu’il ne pouvait attendre le projet de loi « asile et immigration », examiné en conseil des ministres mercredi mais dont le parcours parlementaire ne débutera qu’en avril. « Dans le contexte de forte pression migratoire actuel, nous ne pouvons nous permettre de tels délais », a plaidé en séance la ministre auprès du ministre de l’intérieur, Jacqueline Gourault, soulignant que la France est devenue ces derniers mois un « pays de rebond » pour les déboutés, notamment depuis l’Allemagne.
Votée en première lecture en décembre à l’Assemblée, cette proposition a pris un tour plus controversé depuis son passage au Sénat, à majorité de droite, qui a ajouté de nouveaux critères à la liste définissant le risque de fuite (comme lorsque l’étranger refuse de donner ses empreintes digitales ou dissimule son parcours migratoire) et réduit le délai de recours dans certains cas.
Enfermement banalisé ?
Ces ajouts ont provoqué de vifs débats au sein de la majorité La République en marche-MoDem, dont de nombreux membres ont plaidé, en vain, pour revenir à la version de l’Assemblée. « Il y a un danger de banaliser l’enfermement », a jugé Florence Granjus (LRM). « Quand on arrive à l’automutilation sur ses empreintes, ce n’est pas de la fraude, mais du désespoir », a fait valoir Delphine Bagarry (LRM). « En allant vite, on va fabriquer du contentieux », a renchéri Erwann Balanant (MoDem).
Une autre partie de la majorité, emmenée par Elise Fajgeles et Florent Boudié, respectivement rapporteure et chef de file LRM du futur projet de loi asile, ont jugé « que ce n’est pas le moment de commencer les débats » sur ce texte. « Je partage tellement de choses avec vous, mais ce n’est pas aujourd’hui qu’on va remettre en cause le règlement Dublin », a lancé Mme Fajgeles à ses collègues. La ministre Gourault a, elle, fait comprendre que le gouvernement ne s’opposerait pas à des amendements dans le projet de loi asile pour revenir sur ces points controversés.
La majorité cherche l’équilibre
Les débats ont pris un tour d’autant plus politique à l’approche du projet de loi asile, qui entend à la fois réduire les délais d’examen des demandes, faciliter les reconduites des déboutés et l’intégration de ceux admis.
En dépit d’une « pédagogie intensive » depuis plusieurs semaines auprès de sa majorité, Gérard Collomb, qui s’exprimera à nouveau devant les députés LRM-MoDem la semaine prochaine, est loin d’avoir convaincu tous les parlementaires.
Deux thèmes sont sensibles : les droits des demandeurs d’asile pendant la procédure ; et le passage de la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours – voire 135 en cas d’obstruction – dans des centres décrits par certains comme « une prison à ciel ouvert ».
La majorité, qui va essayer de résoudre en amont ces divergences, compte trouver in fine un « équilibre ».