Chronique. L’« African Tech » a le vent en poupe. Après une année 2016 record, les investisseurs internationaux ont injecté 560 millions de dollars (467 millions d’euros) dans le capital de 124 start-up technologiques africaines en 2017, soit une progression historique de 53 % en un an, selon les chiffres rendus publics mardi 20 février dans une enquête annuelle réalisée par le fonds de capital-risque Partech Africa. Le franchissement symbolique de la barre du demi-milliard témoigne d’un engouement sans cesse renouvelé pour les innovations du continent.

Pour Cyril Collon et Tidjane Deme, les deux associés de Partech Africa qui ont rédigé le rapport, la tendance générale est claire : « Tous les signaux sont au vert. La croissance des levées de fonds africaines est exponentielle. Si l’on observe la tendance des cinq dernières années, le volume total des levées de fonds réalisées par les start-up africaines a été multiplié par 14 entre 2012 et 2017 », décrypte Cyril Collon. Autre enseignement, l’explosion des deals financiers conclus en phase de démarrage, la période la plus cruciale dans la vie d’une start-up : ils ont bondi de 86 % entre 2016 et 2017, représentant 371 millions de dollars.

L’Afrique du Sud en tête

Le Cap se positionne dorénavant en pole position, faisant au passage tomber Lagos de son piédestal : 42 start-up sud-africaines sont parvenues à attirer près de 168 millions de dollars d’investissements (30 % du total des levées de fonds), en hausse très forte par rapport à 2016 (+ 74 %). En tête du palmarès en 2016, Lagos s’efface aussi derrière Nairobi. Les levées de fonds réalisées par les start-up nigérianes ont représenté en 2017 près de 115 millions de dollars (20 % du total), contre 147 millions (26 % du total) pour les jeunes pousses kényanes.

Autre surprise du classement 2017 : les sociétés technologiques égyptiennes tirent désormais leur épingle du jeu, à l’image de Vezeeta dans le secteur de la santé connectée : la start-up cairote a levé 5 millions de dollars en janvier 2017 pour se déployer à l’international. Selon Partech Africa, Le Caire représente 14 % du total des tours de table qui ont eu lieu sur le continent en 2017.

L’Afrique francophone n’est pas en reste, rappellent les dirigeants de Partech Africa. En 2017, les pays francophones (Rwanda, Sénégal, Maroc, Cameroun et Tunisie) ont attiré 55 millions de dollars d’investissement, contre 37 millions en 2016 et seulement 6 millions en 2015. « L’Afrique francophone est souvent moins visible pour les investisseurs, mais nous avons constaté en 2017 de très belles opérations réalisées par des start-up francophones », observe Tidjane Deme. Et de citer le cas d’InTouch, au Sénégal, qui a cédé une partie de son capital à Total et Worldline au cours de la plus grosse opération de levée de fonds jamais réalisée en Afrique francophone.

Bond technologique

Les « fintech » (technologies financières) africaines continuent de tenir le haut du pavé. Déjà plébiscitées en 2016, les start-up de l’inclusion bancaire ont levé 119 millions de dollars en 2017, en progression de 70 % par rapport à l’an dernier. Pour Tidjane Deme, « l’impact des fintech sur la numérisation du secteur informel africain est en train de transformer profondément les économies ».

Grâce à l’inventivité des start-up, de nouveaux circuits financiers toujours plus inclusifs font leur apparition sur la scène africaine. C’est le cas en particulier des « InsurTech », ces innovations technologiques dans le secteur des assurances qui visent la base de la pyramide africaine et qui ont attiré plus de 14 millions de dollars d’investissements en 2017. Un saut de 470 % par rapport à 2016 qui illustre en partie la rapidité – et la puissance – du bond technologique africain.

Samir Abdelkrim, entrepreneur et consultant avec StartupBRICS.com, un blog sur l’innovation dans les pays émergents, est chroniqueur technologies pour Le Monde Afrique. Depuis 2014, il a parcouru une vingtaine d’écosystèmes start-up africains et en a tiré un livre, Start up Lions, en vente en format imprimé et numérique.