Le président de la Palestine, Mahmoud Abbas, lors du Conseil de sécurité de l’ONU le 20 février, à New York. / Drew Angerer / AFP

Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a réclamé mardi 20 février au Conseil de sécurité de l’ONU « une conférence internationale » à la mi-2018, point de départ d’un « mécanisme multilatéral » pour créer un Etat palestinien.

Ce faisant, le dirigeant, brouillé avec les Etats-Unis, a rejeté une médiation américaine unique dans le processus de paix au Proche-Orient. Un processus dans l’impasse depuis des années.

« Il est essentiel de créer un mécanisme multilatéral grâce à une conférence internationale » pour avoir la paix au Proche-Orient, a-t-il dit, sans préciser où elle se tiendrait. Cette conférence réunirait Israéliens et Palestiniens, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, le Quartette (Etats-Unis, Russie, Union européenne et ONU) et des pays de la région.

« Aidez-nous ! », a imploré le président palestinien les quinze membres du Conseil de sécurité, avant de quitter la salle sous des applaudissements, n’assistant ni à l’allocution de l’ambassadrice américaine auprès de l’Organisation des Nations unies, Nikki Haley, ni à celle de son homologue israélien, Danny Danon.

Son départ a été déploré par les deux diplomates. « Nous n’allons pas vous courir après ! », a lancé Nikki Haley, qui avait en janvier accusé M. Abbas de manquer de courage. Lors de sa longue et rare intervention devant la plus haute instance de l’ONU, le président palestinien a demandé aux 55 pays n’ayant pas reconnu l’Etat de Palestine sur les 193 composant les Nations unies de le faire.

« Nous reviendrons au Conseil de sécurité et demanderons à avoir cette protection » d’une reconnaissance pleine et entière d’un Etat. « Reconnaître l’Etat de Palestine ne va pas contre des négociations » mais les favorise, a-t-il insisté.

Reconnaissance de Jérusalem comme capitale

« Etat observateur non-membre » de l’ONU, la Palestine a pu grâce à ce statut intégrer des agences onusiennes et rejoindre la Cour pénale internationale (CPI). Mais elle demande toujours à pouvoir bénéficier du statut de membre. Pour pouvoir y accéder, il faut une recommandation du Conseil de sécurité à l’Assemblée générale de l’ONU sans que les Etats-Unis, qui soutiennent Israël, imposent leur veto.

Tout en restant mesuré dans son expression à l’égard de Washington, le président palestinien a aussi dénoncé les décisions unilatérales comme la reconnaissance, à la fin de 2017, par les Etats-Unis, de Jérusalem comme capitale d’Israël.

« Nous voulons que Jérusalem soit ouverte aux trois religions monothéistes », a souligné Mahmoud Abbas, réclamant que Jérusalem soit aussi la capitale du futur Etat palestinien.

« Cette décision ne changera pas », lui a répondu sèchement l’ambassadrice américaine. Elle a reproché à l’ONU de passer « trop de temps » à parler du Proche-Orient et de mettre en cause systématiquement la responsabilité d’Israël, « le pays le plus démocratique du Moyen-Orient », dans l’absence de progrès. L’allocution de Mahmoud Abbas n’apporte « rien de neuf », a réagi le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Dans un communiqué, il a jugé que le président palestinien « continuait de fuir la paix ».

Un compromis avec « beaucoup de potentiel »

« Nous n’avons jamais refusé le dialogue », a affirmé devant le Conseil de sécurité le président palestinien, estimant qu’« Israël s’est détourné de la solution à deux Etats ». « Le gouvernement de Donald Trump n’a pas éclairci sa position. Est-il favorable à un Etat ou à deux Etats ? », a-t-il demandé. L’administration Trump dit travailler à un plan de paix pour le Proche-Orient, mais celui-ci semble toujours dans les limbes. « Ils sont en pleines discussions internes », explique un diplomate, qui doute que Washington sache déjà où en venir.

Jared Kushner, gendre de Donald Trump et jouant le rôle d’intermédiaire au Moyen-Orient, et Jason Greenblatt, envoyé spécial pour la région du président américain, étaient présents à la réunion du Conseil de sécurité. Tous deux ont rencontré ensuite de façon informelle les 15 ambassadeurs du Conseil. Leur présence à l’ONU était « un signal d’engagement dans le processus de paix et de respect pour le rôle du Conseil de sécurité », a dit à l’Agence France-Presse l’ambassadeur français auprès de l’Organisation des Nations unies, François Delattre, se félicitant d’un « élément positif ».

Le « compromis » envisagé par l’administration américaine contient « beaucoup de potentiel » pour améliorer la vie des Palestiniens, a dit Nikki Haley au Conseil de sécurité, sans argumenter davantage son assertion ni dire quand il pourrait être présenté.

Devant le Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a renouvelé ses mises en garde contre les colonisations et la création d’une « réalité irréversible à un Etat » au lieu de la solution de deux Etats vivant côte à côte. « Il n’y a pas de plan B », a-t-il martelé.