Toujours plus fort, toujours plus vite, toujours plus mal. / Wikimedia Commons

Dix mille pas et plus. L’ex-vedette canadienne du hockey féminin, Hayley Wickenheiser, a récemment déclaré qu’elle donnera son cerveau à la science. Après avoir raccroché ses patins – elle a représenté le Canada cinq fois aux Jeux olympiques d’hiver et y a remporté quatre médailles d’or –, elle s’implique fortement dans la prévention des commotions cérébrales. C’est qu’elle a assisté au déclin de son ami, le hockeyeur canadien Steve Montador, mort en 2015 à l’âge de 36 ans. Lui aussi a légué son cerveau à la science. L’analyse de celui-ci a révélé une encéphalite chronique, affection rare due aux nombreux chocs à la tête que le joueur avait subis. Les sports d’hiver sont à haut risque pour le cerveau, particulièrement les sports rapides et ceux impliquant de nombreux contacts physiques, comme le hockey sur glace.

D’autres disciplines sont concernées par le problème, comme le football américain et le rugby. En janvier, lors de son premier match de Top 14, l’ailier clermontois de 18 ans Samuel Ezeala a été rudement sonné. Victime d’un choc à la tête, il est resté inconscient pendant de longues secondes. Les soigneurs ont dressé des draps blancs autour de lui pour masquer l’intervention des services médicaux.

Si ce sujet est de plus en plus médiatisé, il n’est pas simple de dénombrer ces commotions cérébrales, ou traumatismes crâniens, les modes de calcul étant différents selon les études. En France, le ministère des sports va démarrer un état des lieux sur la question pour les sports collectifs, ceux de combat et ceux dits à haute cinétique (ski, vélo, équitation…), ce qui représente 6 millions de licenciés.

L’enjeu est d’importance. Car « si la majorité des commotions cérébrales sont bénignes, elles sont souvent cachées. Et s’il existe des règles dans les tournois professionnels, les problèmes restent généralement masqués pour les matchs amateurs », note Philippe Decq, chef du service de neurochirurgie de l’hôpital Beaujon, à Clichy (Hauts-de-Seine), qui travaille – à titre bénévole – pour la Fédération française de rugby. La plupart du temps, voulant rester sur la pelouse, les joueurs eux-mêmes minimisent le choc. Exactement ce qu’il ne faut pas faire, avertissent les médecins. Philippe Decq insiste : « Lorsqu’un joueur est groggy, nauséeux, a des vertiges, il doit sortir du terrain. Et le risque est d’autant plus grand que le joueur est jeune. »

Pas trop de têtes pour les footballeurs

Les dangers sont réels. D’abord, un sportif commotionné voit ses performances physiques diminuées. Il encourt alors d’autres blessures, notamment à la tête, ce qui peut engendrer un traumatisme cérébral grave. On parle du « syndrome du deuxième impact », explique Philippe Decq. Ensuite, même si le lien de causalité n’est pas établi, les études mentionnent des conséquences sur l’humeur, des troubles cognitifs, etc. Pour limiter ces effets, quelques mesures ont déjà été prises. Dans le football, il est désormais recommandé de ne pas répéter les têtes lors des entraînements. Au rugby, un joueur peut sortir du terrain pour subir une série de tests neurologiques afin d’évaluer ses capacités à revenir en jeu. Mais la prise de conscience reste lente.

Pour le neuropsychologue canadien Dave Ellemberg, le constat est pourtant clair : « Nous savons aujourd’hui avec certitude qu’une commotion cérébrale n’est pas une blessure mineure », écrit-il dans le livre d’un collectif qu’il a dirigé, Tenir tête à la commotion cérébrale, qui vient de sortir (Les Editions de l’Homme, 144 p., 16,90 €). Un ouvrage dans lequel il donne des conseils et décrit de façon didactique ce qu’il appelle une « épidémie silencieuse ».