Anitta, la Beyoncé carioca
Anitta, la Beyoncé carioca
M le magazine du Monde
Grâce au clip de son tube « Vai Malandra », la chanteuse brésilienne a atteint plus de 200 millions de vues sur YouTube.
L’explosive chanteuse brésilienne Anitta, dans le clip de son tube, « Vai Malandra », qui cumule plus de 200 millions de vues sur YouTube. / CAPTURE D’ÉCRAN YOUTUBE
Anitta a des formes généreuses, un bumbum (« popotin ») au « déhanché appétissant », dit la chanson, des seins gonflés comme des pommes, une peau métisse masquée aux endroits stratégiques par un bikini en ruban adhésif, un sens aigu du business et, accessoirement, une voix ample. Ce cocktail explosif a fait de la chanteuse de pop funk brésilienne et du tube Vai Malandra (« Va coquine ! »), où collaborent d’autres artistes, tel l’Américain Maejor Ali, un phénomène planétaire. Postée le 18 décembre sur YouTube, la vidéo du clip s’est hissée en moins de douze heures en 16e position du classement Spotify’s Viral Charts au Brésil et reste aujourd’hui dans les 200 titres Spotify les plus écoutés au monde. Vue 203 millions de fois sur YouTube à la mi-février, la chanson confirme le succès de celle qui est décrite comme la « Beyoncé do Brasil ».
De son vrai nom Larissa de Macedo Machado, Anitta, née à Rio de Janeiro en 1993, participe d’un mouvement suivi avec attention par les experts musicaux : le funk brésilien, hier cantonné aux bailes des favelas et aux torrides boîtes de nuit de la périphérie de São Paulo, sort enfin de ses frontières. Longtemps, la musique dite latine fut uniquement hispanophone. Mais « 2017 aura été l’année où les talents brésiliens ont cassé la barrière de la langue », affirmait Sandra Jimenez, à la tête du département musique de YouTube en Amérique latine, dans la revue Billboard du 27 janvier.
Ainsi, en plus d’Anitta, d’autres artistes ont explosé dans le monde entier. Comme MC Kevinho, et surtout MC Fioti, chanteur affublé d’une mèche bleue dont le Bum Bum Tam Tam, qui reprend un extrait de la Partita pour flûte seule de Bach, a été vu plus d’un demi-milliard de fois sur YouTube. Ce succès hors des frontières brésiliennes est, selon Carlos Palombini, professeur de musicologie à l’université fédérale du Minas Gerais, signe d’une évolution du funk. A l’origine agressif, revendicatif et émaillé de gros mots, il a muté depuis le début des années 2010, empruntant les codes de la pop, plus polis, mélodieux et donc exportables.
Mais, à en croire les aficionados, Anitta a un petit truc en plus. Elle incarnerait quelque chose de la société brésilienne contemporaine. Invitée à l’anniversaire de Neymar, l’attaquant vedette du PSG, le 5 février à Paris, Anitta est aussi à l’affiche de la prochaine Brazil Conference à Boston, un cycle de débats organisés en avril par Harvard et le Massachusetts Institute of Technology, auquel participent penseurs, hommes d’affaires et politiques.
Sur le site G1 du journal O Globo, le critique musical Braulio Lorentz explique que la jeune Anitta « est charismatique, drôle en interview, indépendante, à l’aise en anglais et en espagnol, capable de nouer des partenariats étrangers… ». « Au Brésil, elle a su séduire les filles de toutes classes sociales. C’est une figure du women empowerment », affirme-t-il.
Le clip de « Vai Malandra » d’Anitta
Anitta, Mc Zaac, Maejor ft. Tropkillaz & DJ Yuri Martins - Vai Malandra (Official Music Video)
Durée : 03:27
Anitta, figure du féminisme ? Si la starlette adopte les codes de la femme-objet chère aux rappeurs nord-américains, elle assume aussi, sans complexe, ses fesses gorgées de cellulite dans les dix premières secondes du clip de Vai Malandra. Un acte militant. « Elle s’habille et se déshabille mais le message est clair : c’est elle qui décide », explique Braulio Lorentz. Dans ce tube, Anitta chante : « Se prepara, vou dançar, presta atenção », soit, en français, « prépare-toi, je vais danser, regarde-moi ! ». Une manière de dire que c’est elle qui mène la danse.