Parcoursup : « J’y passe mes soirées depuis une semaine, avec ma fille »
Parcoursup : « J’y passe mes soirées depuis une semaine, avec ma fille »
Par Séverin Graveleau
Lycéens et parents d’élèves relatent leurs premiers pas sur la nouvelle plate-forme d’orientation dans le supérieur, et ce qu’ils pensent de la réforme qui l’accompagne.
Les élèves de terminale et les étudiants en réorientation ont jusqu’au 13 mars pour inscrire sur Parcoursup leurs vœux d’orientation. / MATYLDA CZARNECKA / CC BY-SA 2.0
« C’est dur pour toute la famille quand toutes les soirées tournent autour de Parcoursup », explique Laurence, mère d’une lycéenne originaire des Hauts-de-France. Comme elle, une cinquantaine de jeunes et de parents d’élèves ont évoqué leurs premiers pas sur la nouvelle plate-forme d’orientation dans l’enseignement supérieur, Parcoursup, dont la date limite pour formuler ses vœux est fixée à mardi 13 mars, et donné leur avis sur les nouvelles règles d’accès à l’université.
Souvent, l’orientation du futur bachelier est une histoire de famille. « Personnellement, j’y passe mes soirées depuis une semaine et ma fille a écrit ses lettres de motivation durant une grande partie du week-end dernier », poursuit ainsi Laurence, qui juge cette nouvelle procédure « très anxiogène ».
Parmi la cinquantaine de témoignages, recueillis à l’ouverture de Parcoursup en janvier et à la fin de février, le sentiment diffère, selon le niveau d’information obtenu à propos de cette réforme menée au pas de course. « Nos professeurs principaux nous ont bien informés avant le lancement de la plate-forme, sur papier ou à l’oral », témoigne ainsi Théo, lycéen nîmois de 18 ans.
A l’opposé, Isabelle, mère d’un élève de 18 ans commente : « Le lycée nous a offert une réunion très généraliste en nous donnant parfois de fausses informations, notamment sur la procédure pour postuler hors de son académie. » Avec son fils, elle s’est donc « ruée sur la presse pour s’informer », au fil de l’eau. Même si elle en est à « plusieurs heures de connexion », aujourd’hui elle remercie avec un brin de malice la plate-forme de leur avoir permis, elle et son fils, « d’échanger de longues heures tous les deux sur ses motivations et ses inquiétudes ».
La fin du tirage au sort
Même s’ils n’ont pas été concernés, en 2017, par l’utilisation du tirage au sort à l’entrée des filières universitaires en tension, nombreux sont ceux qui l’évoquent. Et qui reconnaissent à la nouvelle plate-forme le bénéfice d’avoir mis fin à cette pratique « injuste ». Autrement dit, ils apprécient avant tout que Parcoursup… ne soit pas APB, la plate-forme Admission post-bac qui permettait jusqu’en 2017 de faire ses vœux d’orientation.
« Je ne vois pas pourquoi un élève qui n’a jamais travaillé et qui demande à entrer à l’université par défaut pourrait être choisi au tirage au sort à la place d’un élève motivé et méritant », commente ainsi Léna, en terminale sciences de la vie et de la Terre (SVT) dans l’académie de Montpellier. Comme d’autres, elle ne se fait pas d’illusion sur la nouvelle « sélection » à l’œuvre à l’entrée de l’université, à travers le classement des candidats qu’opéreront dorénavant les formations universitaires, comme les écoles d’ingénieurs, les classes préparatoires ou les instituts universitaires de technologies (IUT) le faisaient avant elles. Une vision que tout le monde ne partage pas : « La nouvelle plate-forme, qui me paraît crédible, ne changera pas le fait qu’il y a moins de places que d’étudiants à l’université. Or on ne doit pas empêcher les étudiants d’étudier », commente ainsi Ugo, lycéen grenoblois de 16 ans.
Fin de la hiérarchisation des vœux
Parmi les autres nouveautés de la plate-forme qui divisent figure la fin de la hiérarchisation des vœux. Alors que leurs aînés devaient hiérarchiser leurs vœux par ordre de préférences, afin de permettre à l’algorithme d’APB de leur proposer l’affectation la mieux classée possible, il n’en est rien sur Parcoursup. Les candidats sont simplement invités à inscrire les formations qu’ils souhaitent. Ils recevront une réponse pour chacun de ces vœux.
« Je trouve ça dommage, explique Noellie, lycéenne de Cergy-Pontoise (95), car nous n’avons pas envie de tomber sur n’importe lequel de nos vœux. On en désire généralement un ou deux en particulier. » « La plate-forme va mettre sur le même plan un élève qui souhaiterait une formation “par défaut” et un autre pour qui il s’agit de son vœu préféré », déplore aussi Joseph, Lyonnais de 17 ans. Léna ne partage pas ce constat : « La fin de la hiérarchisation des vœux me convient parfaitement parce que j’aurai vraiment été stressée à l’idée de devoir choisir dès maintenant une formation [prioritaire]. »
Plusieurs s’inquiètent du futur système de réponses, qui arriveront à partir du 22 mai pour chaque vœu : les candidats seront invités à y répondre dans un délai précis afin de libérer des places pour d’autres candidats. Ce qui fait craindre que les meilleurs élèves monopolisent, au moins dans un premier temps, toutes les places. « Je reste inquiète quant à l’absence de classement des vœux qui présage des files d’attente importantes », commente ainsi Clémentine, lycéenne dijonnaise.
- Projet de formation motivé et informations sur la plate-forme
Autre nouveauté qui suscite des commentaires : la lettre de motivation, ou plutôt le « projet de formation motivé » selon la novlangue de Parcoursup, que doivent maintenant rédiger les candidats pour chacun de leur vœu.
Plusieurs jeunes évoquent le temps, long, passé à rédiger ce texte, sans vraiment savoir quelle sera la valeur qui lui sera accordée par les jurys d’admission. Et la frustration de ne pas pouvoir tout dire. « Je trouve que rédiger un projet de formation motivé de 1 500 caractères est beaucoup trop court pour réaliser une bonne lettre de motivation, afin de taper dans l’œil du jury », commente Mouad, lycéen en terminale économie sociale (ES).
Alors que l’ancienne plate-forme Admission post-bac présentait déjà des informations détaillées sur certains cursus, Parcoursup systématise la démarche pour toutes les filières. Ce qui suscite des appréciations diverses. « La description des établissements et leurs différentes caractéristiques, les attendus, ainsi que le nombre de demandes de l’année précédente par rapport au nombre de places disponibles permettent de se faire une idée claire des formations que l’on peut envisager », commente ainsi Simon, lycéen dans la Vienne.
Plus besoin d’aller à la pêche aux infos sur les différents sites des écoles. Les chiffres donnent une idée de la sélection à l’entrée, de la taille des classes. Tout est réuni pour que l’élève ait les infos essentielles », ajoute Géraldine, parente d’élève qui estime que « le site est beaucoup plus complet » qu’APB, qu’elle avait utilisé il y a deux ans avec son aîné.
D’autres ne sont pas de cet avis : ces chiffres sont « assez décourageants pour les enfants, les informations sur le contenu des formations sont standardisées dans la plupart des cas », commente ainsi Agnès, une autre mère d’élève de Draguignan (83).
Marion, de Boulogne-Billancourt, est clairement hostile à l’ergonomie du site : « Qui est le développeur sadique qui a conçu une usine à gaz pareille ? », interroge-t-elle, dénonçant le fait de « devoir passer par tout un tas de menus déroulant » pour entrer ses vœux même quand le candidat sait précisément ce qu’il souhaite. Elle conclut, énervée : « Ce n’est déjà pas un moment agréable à passer, mais là on a envie de jeter son ordinateur par la fenêtre. »