« Occidental » : la forme au détriment du fond
« Occidental » : la forme au détriment du fond
Par Mathieu Macheret
Pour son premier long-métrage de fiction, le plasticien Neïl Beloufa signe un huis clos allégorique, brouillon mais prometteur.
Alors que des manifestations embrasent les rues d’une ville indéterminée, deux hommes (Paul Hamy et Idir Chender) se présentent à l’accueil de l’hôtel Occidental pour louer une suite nuptiale avec de faux accents italiens. Il n’en faut pas plus pour éveiller la suspicion du personnel – une patronne à cran et deux employés dilettantes – entraînant chacun à sonder le mystère de l’autre. Au fil de la nuit, le décor de l’hôtel se referme en un théâtre miné de défiance et d’introspection, qui menace à chaque instant d’exploser.
Pour son premier long-métrage de fiction, le plasticien et réalisateur franco-algérien Neïl Beloufa – auquel une exposition est actuellement consacrée au Palais de Tokyo à Paris – signe un huis clos allégorique, aux éclairages artificieux, tourné entièrement dans son atelier de Villejuif et conçu comme une chambre d’écho aux psychopathologies contemporaines (paranoïa, angoisse sécuritaire, spectre du terrorisme, homophobie, xénophobie). Assumant pleinement l’artifice et la théâtralité, le film évoque un certain cinéma brechtien et sentimental des années 1980, quelque part entre Rainer W. Fassbinder (Querelle) et les productions « Diagonale » (Simone Barbès ou la vertu, de Marie-Claude Treilhou ; Le Café des Jules, de Paul Vecchiali).
Exercice de style
Faute de pousser très loin la dialectique du faux et du vrai, un hiatus demeure néanmoins entre l’exercice de style et la volonté de discours, que le film ne parvient jamais véritablement à résoudre, et qui se caractérise par une disjonction constante entre l’intérieur et l’extérieur de l’hôtel, entre ce qui lie les personnages et l’insurrection qui gronde. On retient néanmoins un beau travail sur les voix (quand in et off se mélangent), ainsi qu’un patent désir de forme, qui assure tout de même une certaine tenue à l’ensemble sur le plan visuel. Trop impatient de donner le vertige, Occidental se prend les pieds dans le tapis, mais n’en constitue pas moins un brouillon prometteur.
Bande Annonce Occidental de Neïl Beloufa
Durée : 01:19
Film français de Neïl Beloufa. Avec Idir Chender, Paul Hamy, Anna Ivacheff, Louise Orry Diquero, Hamza Meziani, Brahim Tekfa (1 h 13). Sur le Web : vendredivendredi.fr/occidental