Formation continue : un nouveau cursus interuniversitaire de « génie urbain »
Formation continue : un nouveau cursus interuniversitaire de « génie urbain »
Par Laetitia Van Eeckhout
Trois grandes écoles parisiennes, l’ENSA, l’EIVP et l’Ecole d’urbanisme de Paris, lancent ensemble un nouveau diplôme pour répondre aux nouvelles exigences de la programmation urbaine.
Ecole d’urbanisme de Paris à la Cité Descartes à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne).
L’heure est au renouvellement urbain. Les villes, en pleine mutation, se pensent, se conçoivent, se construisent de façon totalement nouvelle. Anticiper les besoins, établir un programme et s’assurer, pendant l’exécution, que les résultats sont en cohérence avec les objectifs, à l’échelle du bâtiment comme d’un quartier, tels sont les enjeux des néo-urbanistes de ces « smart cities ».
L’Ecole nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Paris-La Villette, l’Ecole des ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP) et l’Ecole d’urbanisme de Paris (EUP) se sont donc rapprochées pour lancer ensemble une formation continue diplômante, un cursus interuniversitaire postmaster, répondant aux nouvelles exigences de la programmation urbaine. Initialement envisagé en février, ce nouveau cursus est ouvert à candidatures depuis le 21 mars. Pour une première promotion d’une quinzaine de personnes en février 2019.
Convaincues de l’enjeu d’un « enseignement méthodologique spécialisé et interdisciplinaire », les trois écoles universitaires – membre de la Comue Hesam (hautes études Sorbonne Arts et Métiers) pour l’ENSA, associées à la Comue Université de Paris-Est pour l’EIVP et l’EUP – ont réussi à dépasser leurs différences de statut et de fonctionnement, et à lever les craintes d’une perte d’identité de leurs corps enseignants respectifs.
Mettre un projet urbain en adéquation avec ses finalités
« Architectes, ingénieurs, urbanistes sont trois métiers qui, chacun dans leur spécialité, sont aujourd’hui confrontés aux enjeux de la programmation, et doivent de plus en plus travailler ensemble, relève Taoufik Souami, codirecteur de l’EUP. Il y a un vrai enjeu aujourd’hui à diffuser une culture de la programmation dans l’ensemble du milieu. Même si ces professionnels ne sont pas amenés à faire en tant que tel de la programmation, ils doivent savoir convaincre leur direction qu’il vaut mieux prendre un peu de temps et d’argent pour développer une telle démarche. »
Baptisée D/PRAUG (Démarche de programmation architecture urbanisme génie urbain), la nouvelle formation continue diplômante s’adresse à tout professionnel ayant au minimum deux ans d’expérience dans les domaines de l’architecture, du paysagisme, de l’urbanisme ou de la construction. Le public visé : « tous les professionnels de la maîtrise d’ouvrage privée assurant des missions de pilotage d’études et de projets », dit-on à l’EUP. Ainsi que des chargés de mission en collectivité territoriale, des professionnels de la conception (architectes, urbanistes, paysagistes) et de l’aménagement « souhaitant développer une activité en programmation ».
L’enjeu est de permettre à un projet urbain, tout au long de son développement, d’être en adéquation avec ses finalités sociales, économiques et environnementales, plutôt que d’établir un modèle d’aménagement ou une forme urbaine prédéterminés. « Une part importante et décisive de la programmation s’inscrit en amont du travail de conception et consiste à définir les besoins et les contraintes pour permettre à la conception de se réaliser pertinemment », souligne François Meunier, de l’agence Attitudes Urbaines.
Une approche pluridisciplinaire
Les maîtres d’ouvrage – collectivités locales, promoteurs immobiliers – n’ont encore, à de rares exceptions près, que peu intégré ces compétences. « Ils la réduisent encore trop souvent à l’élaboration d’un simple cahier des charges, observe Jodelle Zetlaoui-Léger, urbaniste, professeur à l’ENSA Paris-La Villette. Or la programmation amène à développer une vision beaucoup plus stratégique du projet. »
Depuis une dizaine d’années, des bureaux d’études en urbanisme ou en architecture se sont mis à développer et offrir une expertise en programmation. Il s’agit de « se poser les questions fondamentales : “pour qui”, “pourquoi” on développe le projet, relève Gwenaëlle d’Aboville, urbaniste associée au sein de l’agence Ville ouverte. Cela suppose d’accorder une place importante à la consultation des usagers. » Cette phase clé préalable s’appuie sur des entretiens qualitatifs pour analyser et anticiper les attentes des différents usagers (habitants, entreprises, étudiants, touristes…), et des études sur l’histoire du lieu et ses composantes démographiques, sociologiques, économiques et environnementales. Une tâche complexe qui suppose une approche pluridisciplinaire.
La formation continue diplômante D/PRAUG entend ainsi mêler les modules d’enseignement aux démarches programmatiques et mises en situation – avec travaux pratiques. Objectif : stimuler des collaborations interprofessionnelles entre les acteurs de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre, entre opérateurs publics et privés, en associant la société civile. « D/PRAUG est une formation pluridisciplinaire pour une fonction qui ne l’est pas moins, insiste Clément Orillard, maître de conférences à l’EUP. Les aspects techniques de la programmation seront abordés, mais il s’agit avant tout de former à la démarche qualitative et collaborative, à la “co-construction” active qu’est la programmation. »