Polémique entre Dussopt et Talamoni sur les contrôles fiscaux en Corse
Polémique entre Dussopt et Talamoni sur les contrôles fiscaux en Corse
Par Benoît Floc'h
Le président de l’Assemblée de Corse accuse le directeur régional des finances publiques d’avoir tenu des propos « racistes » devant le ministre, une version contestée par ce dernier.
Le fisc contrôle-t-il davantage les Corses que les continentaux présents sur l’île ? La question alimente une polémique qui, par communiqués interposés, oppose le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, au secrétaire d’Etat Olivier Dussopt.
Que s’est-il dit, le 26 mars, lors d’une visite en Corse de celui-ci ? Ce jour-là, M. Dussopt rencontre notamment des agents des Finances publiques en présence du directeur régional, Yann Poujol de Molliens. Or, celui-ci aurait « distingu[é] les agents corses de ceux qui ne l’étaient pas ». Il aurait dit à M. Dussopt : « Soyez assuré, Monsieur le ministre, que, dans le cadre du contrôle fiscal, nous ne ciblons que les Corses, pas les étrangers, ni les continentaux. » Il aurait enfin évoqué le « sentiment d’insécurité » des agents de contrôle.
Cette version, c’est celle que Jean-Guy Talamoni a développée dans un courrier adressé, le 30 mars, au premier ministre, Edouard Philippe. M. Talamoni, qui n’a pas assisté à la réunion et utilise le conditionnel dans sa lettre, la tient de syndicalistes. Eux-mêmes rapportent les propos des agents présents ce jour-là. Pour M. Talamoni, ces paroles « présentent manifestement un caractère discriminatoire et ouvertement raciste ». Il ajoute que « ces faits, s’ils étaient avérés, seraient d’une grande gravité, et de nature à justifier des excuses publiques ainsi que la fin de la mission du directeur régional dans l’île ».
« Insinuations injurieuses »
Force ouvrière a publié un communiqué, jeudi 5 avril, assurant que les propos incriminés « ne sont pas à mettre au conditionnel ». S’en prenant violemment à M. de Molliens, le syndicat dénonce des « insinuations injurieuses » : « Vous avez terni nos réputations. Vous êtes désormais inintelligible et manquez de la dignité nécessaire au poste que vous prétendez occuper. » FO assure qu’il ne siégera plus dans les différentes instances de la fonction publique en présence du directeur.
Sur ces entrefaites, un autre communiqué, émanant d’Olivier Dussopt, conteste la version de M. Talamoni. « Aucun des propos tenus, écrit-il, n’était de nature à présenter le “caractère manifestement discriminatoire et ouvertement raciste” dont il est fait état. » M. de Molliens aurait juste rappelé que sa direction de Corse-du-Sud ne contrôlait que les contribuables résidant fiscalement… en Corse.
« Ce n’était pas la peine de le préciser au ministre, c’est une évidence !, s’agace Matthieu Caillaud, secrétaire départemental FO. On ne va pas faire des contrôles dans le Pas-de-Calais ! En réalité, le directeur essayait de justifier le fait que le taux de contrôle est faible en Corse. Mais ce n’est pas à cause de l’insécurité, c’est parce que nous avons perdu une cinquantaine d’agents sur 330 depuis 2010. C’était une tentative de sauvetage, faite en maniant des clichés incendiaires. » Dans un message interne envoyé aux agents, M. de Molliens dénonce, lui, une « campagne de calomnie ». « Mes propos sont déformés et je subis des insinuations pénibles », écrit-il.
La journée s’est achevée sur un ultime communiqué de presse. Réagissant à celui de M. Dussopt, le président de l’Assemblée de Corse écrit : « Entre la parole des syndicalistes corses et celle de M. Poujol de Molliens, le gouvernement a fait son choix. Nous en prenons acte, doutant toutefois que cette affaire puisse en rester là. »