Pour son « plan bibliothèques », Françoise Nyssen prône la souplesse
Pour son « plan bibliothèques », Françoise Nyssen prône la souplesse
Par Sandrine Blanchard
La ministre de la culture a précisé son projet d’élargir les horaires d’ouverture.
Erik Orsenna et Françoise Nyssen lors de la remise du rapport sur les bibliothèques aux Mureaux, le 20 février 2018. / LUDOVIC MARIN/AFP
Le rapport d’Erik Orsenna consacré à l’avenir des bibliothèques, remis le 20 février à Emmanuel Macron et Françoise Nyssen, ne finira pas, a priori, dans un tiroir. Devant un parterre de professionnels de la lecture publique, réuni dans l’auditorium du Grand Palais, à Paris, la ministre de la culture a précisé, mardi 10 avril, la teneur du « plan bibliothèques » qu’elle entend mettre en œuvre après la mission menée par l’académicien. « Les bibliothèques doivent ouvrir plus et devenir des maisons de services publics culturels », a-t-elle défendu en annonçant que cent cinquante bibliothèques volontaires ont déjà présenté des projets de transformation.
Sur la sempiternelle question de l’élargissement des horaires, la flexibilité est plus que jamais le mot d’ordre. « Il ne s’agit pas d’imposer à tous les établissements d’ouvrir le dimanche ou de doubler le volume horaire », a précisé Mme Nyssen. Les petites communes sont davantage appelées à « adapter » leurs horaires qu’à les étendre et, globalement, il n’est pas question de se focaliser sur le dimanche. L’extension pourra se faire en soirée, le samedi matin, ou entre 12 heures et 14 heures, en fonction des besoins des territoires. « C’est à vous de décider et à nous de vous accompagner », a résumé la ministre. Quelques objectifs « de progression » sont avancés, mais il ne s’agit pas de « règles », s’est-elle empressée de nuancer : un accroissement horaire de 20 % dans les villes de plus de 20 000 habitants, et une ouverture moyenne de cinquante heures par semaine pour les villes de plus de cent mille habitants.
Adhésion des collectivités locales et du personnel
Tant de souplesse et si peu de jacobinisme visent à faciliter l’adhésion des collectivités locales et du personnel à ces mesures. Une heure avant l’intervention de Mme Nyssen, Agnès Le Brun, vice-présidente de l’Association des maires de France et maire (Les Républicains) de Morlaix, défendait la nécessité que « le consentement vienne de la base » et rappelait la contradiction gouvernementale à reconnaître les compétences des maires pour gérer les bibliothèques tout en diminuant les dotations des collectivités.
Car, derrière l’extension des horaires, qui nécessite personnels et frais de fonctionnement supplémentaires, se pose la question du financement et de la qualité des emplois créés. Sur la plate-forme de consultation participative sur les bibliothèques, de nombreux professionnels s’inquiètent du fait qu’une ouverture plus grande des établissements se fasse au prix d’une « déprofessionnalisation et d’une précarisation de l’emploi ». Pour l’heure, les 8 millions d’euros supplémentaires obtenus au titre de la dotation générale de décentralisation devraient permettre de soutenir deux cents projets d’extension d’horaires. C’est peu au regard des 7 700 bibliothèques municipales, dont seulement cent trente sont ouvertes le dimanche. « Je me bagarrerai pour la pérennité de cette aide », promet Françoise Nyssen. De son côté, Agnès Le Brun, qui garde en mémoire les difficultés budgétaires lors de l’aménagement des rythmes scolaires, met en garde contre le risque d’un « simple amorçage financier sans lendemain ».
« Efforts partagés »
Pour montrer que « les efforts seront partagés » et que « l’exemple sera donné », la ministre a aussi repris la proposition du rapport Orsenna d’ouvrir davantage les bibliothèques universitaires (BU). Deux BU (contre une seule actuellement) seront ouvertes le dimanche à Paris à la rentrée 2018, et un appel à projets sera lancé pour de nouvelles ouvertures dominicales en 2019. « L’articulation entre BU et bibliothèques municipales est cruciale pour les étudiants », a insisté Noël Corbin, inspecteur général des affaires culturelles, qui a participé à la rédaction du rapport Orsenna.
Quant à la notion de « maisons de services publics culturels », elle recouvre les nouvelles missions que seront amenées à développer les bibliothèques. « Ces établissements, qui ne sont plus seulement des lieux où on emprunte un livre ou un DVD, peuvent jouer un rôle central dans plusieurs grands combats de société », a affirmé la ministre. Ainsi, pour réduire les inégalités d’accès à la culture, chaque école sera appelée à nouer un partenariat avec une bibliothèque de proximité. Pour améliorer l’inclusion des primo-arrivants, une bibliothèque par département sera référente pour l’apprentissage du français. Et, pour lutter contre les « fake news », une éducation à l’information sera proposée dans au moins trois bibliothèques par département et au moins une bibliothèque par ville de cent mille habitants. Quatre cents services civiques seront consacrés spécifiquement à ces formations.