• George Crumb
    Makrokosmos

    Stéphanos Thomopoulos (piano)

Pochette de l’album « Makrokosmos », de George Crumb, pièces pour piano interprétées par Stéphanos Thomopoulos. / PRINTEMPS DES ARTS DE MONTE-CARLO

Les deux volumes de Makrokosmos (1972-1973) comptent parmi les œuvres les plus enregistrées de George Crumb. Comme Black Angels, son célèbre quatuor à cordes électrifié, antérieur de deux ans, ces 24 Fantasy-Pieces minutieusement et mystérieusement reliées aux différents signes du Zodiaque témoignent d’un goût pour le symbole qui situe le compositeur américain, né en 1929, comme une sorte d’Alban Berg de l’ère post-sérielle. Utilisant toutes les ressources du piano (enrichi d’accessoires tels que des chaînes ou des bagues) et du pianiste (qui donne aussi de la voix pour rugir, murmurer ou siffler), ces Makrokosmos siègent dans l’onirisme. Moins spectaculaire que les versions de référence enregistrées par Toros Can (L’Empreinte digitale) et Margaret Leng Tan (Mode Records), l’interprétation très raffinée de Stéphanos Thomopoulos est celle d’un esthète, sensible aux lignes de fuite (amplification soignée du piano) comme aux effets de masse (tachisme savamment multicolore). Pierre Gervasoni

1 CD Printemps des arts de Monte-Carlo.

  • Divers artistes
    Jazz From Carnegie Hall : 1er octobre 1958

Pochette de l’abum « Jazz From Carnegie Hall : 1er octobre 1958 », de Kenny Clarke, Red Garland,  Lee Konitz, J.J. Johnson... / FRÉMEAUX & ASSOCIÉS/SOCADISC

Nous n’y étions pas, mais cette édition d’un enregistrement réalisé en 1958 à l’Olympia par la radio Europe N°1 nous permet de remonter le temps et de découvrir un concert enthousiasmant, organisé par Frank Ténot et Daniel Fillipacchi, étape parisienne d’une tournée européenne de plusieurs musiciens réunis sous le nom Jazz From Carnegie Hall. Pensez, les deux trombonistes J.J. Johnson et Kai Winding (pour les cinq derniers morceaux), l’altiste Lee Konitz (sur le seul Star Eyes) et surtout le trio composé de l’époustouflant pianiste Phineas Newborn, de l’immense contrebassiste Oscar Pettiford – qui allait rester en Europe et y mourir deux ans plus tard, à 37 ans – et du plus parisien des Américains, le batteur Kenny Clarke. Les arrangements de J.J. Johnson sont remarquables et Pettiford est impressionnant, en particulier sur sa composition Laverne Walk et son interprétation en solo de Stardust. Seul regret, deux bandes ont été perdues, qui contenaient le reste de la prestation de Lee Konitz et celle du ténor Zoot Sims. Paul Benkimoun

1 CD Frémeaux & Associés, collection « Live in Paris »/Socadisc.

  • Françoise Hardy
    Personne d’autre

Pochette de l’album « Françoise Hardy », de Françoise Hardy. / PARLOPHONE/WARNER MUSIC

Les plus belles chansons de Françoise Hardy (de Mon amie la rose en Partir quand même) ne se sont jamais singularisées par leur joie de vivre et leur allégresse. Le temps n’arrange rien à l’affaire, et moins encore la maladie, ce vingt-huitième album intervenant pour cette raison après plus de cinq années de silence – du moins discographique puisque la chanteuse a publié en 2016 un livre sur son combat. Dans ces circonstances particulières, Personne d’autre est une déception : à la mélancolie douce-amère que distillent toujours les mots de la parolière (avec messages subliminaux à Jacques Dutronc) se substitue un sentiment de monotonie, que renforce la lisse réalisation d’Erick Benzi, cador de la variété hexagonale, privilégiant guitares éthérées, claviers atmosphériques et nocturnes au piano. De cet ensemble manquant de relief se distinguent Le Large, le single écrit par La Grande Sophie et, forcément, la sublime mélodie de Seras-tu là ?, pour une sage reprise du classique de Michel Berger. Bruno Lesprit

1 CD Parlophone/Warner Music.

  • Barcella
    Soleil

Pochette de l’album «  Soleil », de Barcella. / ULYSSE MAISON D’ARTISTES/SONY MUSIC

Quatrième album de Barcella, Soleil porte bien son nom. Un soleil qui ne serait pas seulement dans l’illumination et la chaleur du plein été, mais tout en nuances, à l’image de la diversité des approches du chanteur, guitariste et auteur-compositeur. En douze chansons, douze mélodies à la belle lisibilité, dans un traitement pop-variété, avec des textes simples, mais pas simplistes, une diction précise, par laquelle chaque mot se détache. A chaque chanson une idée d’arrangement, un motif original, une fantaisie musicale : Passe passe avec le léger rebond de quelques notes de piano, Les Chevaux sauvages où un claquement de doigt se transforme peu à peu en frappe des mains, Améthyste, qui pour chanter « ces mots qui rusent d’espièglerie », mêle banjo, tuba et cordes, Tatiana avec sa touche rock par la guitare, l’ambiance jazz fanfare de Soleil 2.0 qui relie Barcella à Charles Trenet… En lien de chanson en chanson, des chœurs de voix enfantines et adolescentes bien dosés. Sylvain Siclier

1 CD Ulysse maison d’artistes/Sony Music.

  • Amen Dunes
    Freedom

Pochette de l’album « Freedom », d’Amen Dunes. / SACRED BONES/DIFFER-ANT

Entre nonchalance enfumée et tension paranoïaque, le New-Yorkais Damon McMahon, démiurge d’Amen Dunes, habite ses chansons en conteur indie-rock, capable de vous persuader que le genre peut encore susciter de l’envoûtement. Le délicieux Blue Rose introduit ce cinquième album en chaloupant gracieusement au son d’un synthétiseur, mais les narrations de Freedom confient généralement leur doux venin à des tourneries de guitare élaguée, basse sombre et batterie minimale (Believe, Satudarah) évoquant l’héritage des anti-héros de la Big Apple (Lou Reed, Tom Verlaine, Richard Hell…). Même si une voix au vibrato de prêcheur et la moiteur de nombre de ces bandes-sons suintent plus au sud (Calling Paul The Suffering, où Johnny Cash semble jouer avec des Jamaïcains) ou hallucinent du côté de la Californie (Miki Dora, L.A.). Stéphane Davet

1 CD Sacred Bones/Differ-ant.

  • Hugh Masekela
    ’66 –’76

Pochette de l’album « ’66 – ’76 », d’Hugh Masekela. / WRASSE RECORDS/CAROLINE

Le 23 janvier, un héros est tombé : Hugh Masekela, trompettiste, chanteur, auteur-compositeur de référence dans l’histoire musicale de l’Afrique du Sud, valeureux guerrier de la lutte anti-apartheid qu’il menait depuis les Etats-Unis où il s’était exilé en 1960, après un passage par Londres. Pendant cet exil, il y a enregistré et publié des albums qui ne sont jamais arrivés jusqu’en Europe et devenus introuvables aux Etats-Unis. Peu de temps avant sa mort, Masekela avait entrepris avec son ami producteur Stewart Levine, de combler ce triste manque. Le résultat est là aujourd’hui. Elégant et généreux, à l’image du bonhomme. Accompagnée d’un livret passionnant signé Robin Denselow et Stewart Levine, cette copieuse compilation en trois volumes réunit une sélection de titres choisis à partir de 11 disques enregistrés entre 1966 et 1976, sa période la plus prolifique (avec d’éclatants succès, dont Grazing In The Grass et Stimela). Deux y sont réédités intégralement : Masekela Introducing Hedzoleh Soundz (enregistré à Lagos) et I Am Not Afraid. Indispensable. Patrick Labesse

3 CD Wrasse Records/Caroline.