Des centaines de personnes dénoncent « un nouvel antisémitisme » dans un manifeste
Des centaines de personnes dénoncent « un nouvel antisémitisme » dans un manifeste
Par Cécile Chambraud
Le texte appelle les autorités théologiques musulmanes à frapper d’obsolescence des versets du Coran.
Plusieurs centaines de personnalités dénoncent « l’antisémitisme musulman », un « nouvel antisémitisme » qui provoquerait « une épuration ethnique à bas bruit » dans certaines zones d’Ile-de-France à l’encontre des familles juives, dans une tribune publiée par Le Parisien-Aujourd’hui, dimanche 22 avril. Ce texte, qui veut sonner l’alarme contre la propagation de la haine antisémite dans une partie de la population, appelle à ce que « soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques » musulmanes « les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants », « afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime ».
Il est signé par des personnalités d’horizons très divers, parmi lesquels des politiques (dont Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Jean-Pierre Raffarin, Bernard Cazeneuve, Bertrand Delanoë, Laurent Wauquiez), des écrivains (Eric-Emmanuel Schmitt, Boualem Sansal, Antoine Compagnon), des intellectuels, des représentants du monde du spectacle (Charles Aznavour, Gérard Depardieu). Il vient appuyer la publication d’un livre collectif intitulé Le Nouvel Antisémitisme en France (Albin Michel, 213 pages, 15 euros).
Dix personnes tuées en dix ans
Cette tribune est publiée un mois après l’assassinat de Mireille Knoll, une octogénaire retrouvée morte le 23 mars dans son appartement du 11e arrondissement de Paris, son corps frappé de coups de couteau. Plusieurs milliers de personnes avaient participé à une marche blanche contre l’antisémitisme après ce meurtre, pour lequel le parquet de Paris a retenu le caractère antisémite. Avant elle, depuis l’assassinat d’Ilan Halimi, atrocement torturé en 2006, jusqu’à celui de Sarah Halimi, en 2017, dix personnes ont été tuées en France en raison de leur confession juive, « par des islamistes radicaux », précisent les signataires de la tribune. Parmi elles figurent les quatre victimes de l’école Ozar Hatorah de Toulouse, en 2012, et les quatre autres de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, en 2015.
Si les actes antisémites déclarés ont légèrement reculé en 2017 (– 7 %), selon les données du ministère de l’intérieur, les faits les plus graves (violences, incendies, dégradations, tentatives d’homicide…) ont augmenté de 26 %. Les Français de confession juive, qui constituent moins de 1 % de la population, sont la cible d’un tiers des faits de haine recensés. Le texte établit ouvertement une comparaison avec les faits racistes subis par les musulmans en France. « Les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans », affirment les signataires.
« On ne peut pas fermer les yeux »
Sollicité pour cosigner cette tribune, Anouar Kbibech, le vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), a refusé. « Non pas sur le principe, car il est louable et, lors de la marche blanche pour Mireille Knoll, j’ai pu mesurer l’inquiétude et la colère des Français de confession juive », explique ce dirigeant de l’instance de représentation du culte musulman. Mais parce que plusieurs points du texte le « révoltent ». Le premier est la « mise en concurrence » entre l’antisémitisme et les actes antimusulmans établie par la tribune et la comparaison entre le poids supposé du vote juif et celui du vote musulman. « Je suis abasourdi de cette comparaison de la part de ceux qui sont les premiers à dénoncer le communautarisme et qui, en procédant ainsi, sont en train de l’institutionnaliser », déclare-t-il.
Il déplore aussi qu’un « amalgame » soit fait entre les islamistes radicaux et les musulmans dans leur ensemble : « On insinue que le musulman est potentiellement antisémite, jusqu’à preuve du contraire. Or, contre l’islamisme radical, pointer du doigt tous les musulmans est contreproductif. » Enfin, il rappelle que les versets du Coran, révélation divine, s’ils peuvent être interprétés, ne peuvent être abrogés.
C’est d’ailleurs sur ce dernier point que Haïm Korsia, qui a signé cette tribune, a obtenu qu’elle parle d’interprétation du texte sacré plutôt que de sa modification. Pour le grand rabbin de France, si quelques formulations du texte publié dans Le Parisien peuvent prêter à discussion, il a le mérite de « dire les choses » et d’être un « cri d’alarme » signé très largement. « Il montre qu’il y a quand même des gens qui voient qu’il se passe quelque chose d’insupportable. On ne peut pas fermer les yeux », ajoute Haïm Korsia.
« Un autre antisémitisme » pour Merkel
La chancelière Angela Merkel a dénoncé l’émergence, en Allemagne, d’une « autre forme d’antisémitisme » issue de certains réfugiés « d’origine arabe », dans un entretien à la télévision israélienne « 10 », diffusé dimanche 22 avril. Ces propos ont été tenus alors qu’une attaque antisémite présumée, mardi, à Berlin a suscité une vive émotion en Allemagne. Selon le quotidien Bild, l’agresseur principal qui s’est livré à la police est un réfugié syrien ayant vécu dans un centre pour migrants près de Berlin.