Pesticides : un nouveau plan timide pour réduire la dépendance de l’agriculture française
Pesticides : un nouveau plan timide pour réduire la dépendance de l’agriculture française
Par Stéphane Mandard
Pour l’ONG Générations futures, « le compte n’y est pas », notamment sur le glyphosate pour lequel le gouvernement propose seulement de nouvelles études.
En novembre 2017, Emmanuel Macron a annoncé que la France interdirait le glyphosate d’ici trois ans. / REMY GABALDA / AFP
Pas moins de quatre ministres pour un plan très attendu. Nicolas Hulot (écologie), Agnès Buzyn (santé), Stéphane Travert (agriculture) et Frédérique Vidal (recherche) ont présenté, mercredi 25 avril, le « plan d’actions pour réduire la dépendance de l’agriculture aux produits phytopharmaceutiques ». Avec une consommation estimée à plus de 60 000 tonnes par an, l’agriculture française reste une championne d’Europe des pesticides et semble incapable de s’en libérer malgré la multiplication des alertes sanitaires, notamment concernant le plus utilisé des herbicides, le fameux glyphosate de Monsanto.
Il y a dix ans, dans la foulée du Grenelle de l’environnement, le premier plan gouvernemental Ecophyto visait une réduction par deux du recours aux pesticides d’ici à 2018. Intenable – la consommation ne cesse d’augmenter –, cet objectif a été reporté à l’horizon 2025 dans le plan Ecophyto 2, avec un palier intermédiaire à 25 % en 2020. Une des quatre priorités de la série d’actions dévoilée le 25 avril est de renforcer et améliorer le fonctionnement d’Ecophyto 2 dont une version « 2 + » doit être présentée en juin.
Afin de « diminuer rapidement l’utilisation des substances les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement », les ministres assurent que des « leviers législatifs et financiers seront mobilisés ». Ils rappellent que le projet de loi issu des Etats généraux de l’alimentation, en discussion à l’Assemblée nationale, prévoit des dispositions relatives à la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques.
Il s’agit d’une revendication essentielle aux yeux des associations qui dénoncent les pathologies liées à la dégradation de l’environnement. Le gouvernement annonce aussi qu’un « grand plan d’investissement » – dont on ne connaît pas encore le montant –, sera en partie mobilisé pour soutenir la recherche-développement et la diffusion de méthodes alternatives aux pesticides.
Nicolas Hulot a salué un « plan d’action sans précédent » et assuré que « ces mesures seront très rapidement mises en œuvre, et nous permettront d’atteindre nos objectifs de réduction des phytosanitaires et de construire les alternatives notamment à l’utilisation du glyphosate ». Du côté des ONG, on est beaucoup moins enthousiaste.
« Manque de souffle et de volonté politique »
« Le compte n’y est clairement pas. L’ensemble manque de souffle et de volonté politique », estime François Veillerette, le directeur de Générations futures. L’association, qui a participé à la consultation publique préalable à l’établissement de ce plan, est à l’origine d’un recours devant le Conseil d’Etat contre l’arrêté du 4 mai 2017 encadrant l’usage des pesticides. Elle se félicite que « la situation des riverains des zones cultivées semble prise en compte par les ministères de l’environnement et de la santé ». Le dispositif propose en effet de définir, par voie réglementaire, des « zones non traitées pour l’utilisation de produits classés dangereux ». Mais sans en préciser les contours, relève M. Veillerette.
Surtout, l’ONG ne cache pas sa déception sur le glyphosate, classé « cancérogène probable » depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer. « La seule réponse du plan est de demander une expertise collective [sur les risques pour la santé] et d’élaborer un cahier des charges en vue d’une nouvelle étude expérimentale [sur la cancérogénicité] dont les résultats viendront… en 2020 ! », déplore l’association. Pour son directeur, c’est « inacceptable ».
Lorsque, après deux ans de batailles et de controverses, l’Union européenne a réautorisé l’herbicide pour cinq ans, fin 2017, Emmanuel Macron, avait annoncé que la France l’interdirait « au plus tard dans trois ans ».