À l’OM, l’euphorie différée d’une semaine
À l’OM, l’euphorie différée d’une semaine
Par Gilles Rof
Après sa victoire dans le match aller de la demi-finale de Ligue Europa contre Salzbourg (2-0), l’Olympique de Marseille veut éviter de s’enflammer.
Adil Rami a immédiatement senti le danger. L’OM venait à peine de boucler sa victoire contre Salzbourg, dans la première manche de la demi-finale de Ligue Europa (2-0), que l’expérimenté défenseur de l’Olympique de Marseille a réuni son monde près du rond central. Les tribunes du stade Vélodrome étaient encore en fusion, hurlant « aux armes » en écho l’une à l’autre.
Mais Rami avait un message à faire passer, que certains coéquipiers relateraient plus tard. « On ne s’enflamme pas devant les journalistes. Il y a un match retour à jouer pour se qualifier », a rappelé, en substance, l’international, qui connaît parfaitement la compétition pour l’avoir remportée avec le FC Séville en 2016. « On a vu ces derniers temps que cela peut se retourner très vite en coupes d’Europe, on ne doit pas s’emballer », concédait, quelques minutes plus tard, le latéral Jordan Amavi, une des belles satisfactions olympiennes de la soirée, avec Bouna Sarr et le Brésilien Luiz Gustavo. « Il n’y a que la moitié du chemin qui est parcourue. On a vu des Real Madrid, des Barcelone se faire remonter alors qu’ils ont gagné 3-0 ou 4-1 au match aller », complétait le meneur de jeu Dimitri Payet.
Trente-deuxième victoire d’une saison marathon
L’Olympique de Marseille et son peuple de supporteurs peuvent pourtant légitiment rêver d’accéder à leur cinquième finale européenne dans une semaine en Autriche. Jeudi 26 avril, l’OM n’a pas réédité le match délirant qu’elle avait réussi contre le RB Leipzig en quarts de finale. Mais, à raison d’un but par mi-temps signé Florian Thauvin (15e) et Clinton Njie (62e), sur deux services du décisif Payet, devenu meilleur passeur de la compétition, elle a dompté une équipe de Salzbourg accrocheuse, au pressing collant. Et obtenu sa trente-deuxième victoire d’une saison marathon de déjà cinquante-sept matches. « Ce soir, j’ai aimé le Vélodrome, le cœur mis sur le terrain mais aussi la réflexion tactique qu’on a eue », se félicitait l’entraîneur marseillais Rudi Garcia après la rencontre.
La victoire de cet OM sérieux et soucieux d’appliquer les consignes est méritée. Mais les Autrichiens peuvent aussi légitiment exprimer des regrets. Il y a eu ce tir sur le poteau du Norvégien Gulbrandsen qui a fugitivement fait taire le Vélodrome. Quelques belles occasions stoppées par un Yohann Pelé faisant presque oublier la blessure du titulaire Steve Mandanda. Et puis surtout ce penalty pour une faute évidente de Maxime Lopez sur Stefan Lainer, oublié par l’arbitre écossais William Collum, à un moment où l’OM peinait. Le même arbitre qui n’a, pas plus, souhaité sanctionner une main involontaire de Florian Thauvin sur l’ouverture du score marseillaise.
En championnat de France, la double décision aurait déclenché une polémique entre entraîneurs et présidents, suivie d’une guerre de tweets… Marco Rose, le technicien autrichien, lui voit les choses autrement. « On ne va pas pleurer », a-t-il coupé court lors de la conférence de presse d’après-match, préférant concentrer son regard sur le retour. Dans une Red Bull Arena dont les 30 000 places ont toutes déjà été vendues, il sait que tout reste possible. Au tour précédent, ses joueurs avaient aussi deux buts de retard après le match aller à Rome (4-2). À Salzbourg, ils ont étrillé la Lazio, pourtant solide quatrième du championnat italien (4-1). Un précédent que Rudi Garcia connaît parfaitement. Pour lui, la parade sera l’attaque : « On ira [à Salzbourg] pour marquer, pour gagner le match. C’est comme cela qu’on voudra se qualifier pour la finale. C’est l’approche qu’on aura au match retour », promet-il déjà.
Un record d’affluence au Vélodrome
La finale n’est pas acquise, mais Marseille a tout de même encore vécu une formidable journée de football pour la sixième demi-finale européenne de son histoire. Des maillots plein la ville dès le début d’après-midi. Le parvis du stade envahi quatre heures avant le coup d’envoi et, fait rare, les deux virages du Vélodrome survoltés dès 19 h 30 au moment où les Autrichiens de Salzbourg entraient sur la pelouse en costume.
Depuis quatorze jours, Marseille brûlait d’envie de renouer avec l’extase de la qualification contre Leipzig (5-2). Une folie douce, une addiction qu’on avait presque oubliée, ont gagné toute une ville. Un retour de vague soudain incompressible qui aurait pu, selon le club, « remplir trois fois le stade Vélodrome », et qui a déjà permis de battre le record d’affluence européen avec 62 132 spectateurs. Sous la pression du public et de quelques adversaires politiques, le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin (LR) a même annoncé qu’une fan zone de 20 000 places serait ouverte au Vélodrome, le jeudi 3 mai, pour suivre gratuitement le match retour sur écran géant.
Pour cette saison 2017-2018, la direction de l’OM avait planifié un budget prévoyant une quatrième place en championnat et un quart-de-finale européen. Les objectifs fixés sont déjà atteints, mais à Marseille, actionnaire, président, joueurs comme supporteurs sont désormais tendus pour rafler tous les bonus possibles. « Il y a un match important à Angers dimanche pour le championnat », a rappelé Rudi Garcia, qui espère toujours doubler Monaco (2e) et Lyon (3e) sur le fil, au classement de Ligue 1. Et empocher ainsi une qualification directe pour la Ligue des Champions. Les supporteurs de l’OM ont-ils le même objectif prioritaire ? Au hit-parade de leurs chants ces derniers jours, c’est bien le « Jean-Michel Aulas, on va la gagner chez toi », qui écrase tout. Il rappelle que la finale de la Ligue Europa se jouera le 16 mai prochain sur la pelouse de l’Olympique Lyonnais et de son président qu’on aime haïr par ici. Jeudi, très tard dans la nuit marseillaise, la rengaine montait à n’en plus finir aux alentours du stade Vélodrome.