Tony Parker, sur le parquet du AT&T Center de  San-Antonio (Texas), le 3 mai 2017. / RONALD MARTINEZ / GETTY / AFP

Une triste sortie pour conclure un annus horribili. Pour son 226e match de playoffs, Tony Parker a rendu une pâle copie : 4 points, un rebond et une passe décisive en 14 minutes de jeu. La quatrième défaite en cinq matchs de ses San Antonio Spurs contre les Golden State Warriors, champions en titre, a sonné la fin d’une année particulièrement compliquée, pour la franchise et pour le Français.

Le meneur de 35 ans, qui sera agent libre pour la première fois de sa carrière cet été, a décrit cette 17e saison en NBA comme « définitivement la plus dure et la plus bizarre que j’ai vécue, de loin ». Sur le plan purement statistique, ce fut la pire : ses moyennes de matchs joués (55), minutes (19,5), points (7,7) et passes décisives (3,5) ont été les plus basses de sa carrière, en saison régulière comme en playoffs (6,6 points, 1,2 passe décisive en 13,3 minutes).

Les chiffres, bien sûr, ne disent pas tout. La saison de Parker a été marquée par une grave blessure, une rupture du tendon quadricipital gauche qui l’a éloigné des parquets jusqu’en novembre, et la perte de sa place de meneur dans le cinq de départ. Elle s’est elle-même articulée autour d’une saison compliquée pour les Spurs, loin de la stabilité habituelle de la franchise texane. La 21e qualification consécutive en playoffs n’a pas suffi à occulter que le bilan de 47 victoires et 35 défaites en saison régulière est le pire résultat de la franchise sous la direction de leur emblématique entraîneur, Gregg Popovich.

Nouveau rôle et appels du pied

La mauvaise performance de Parker s’explique aussi par les mauvaises performances de son équipe handicapée par l’absence de Kawhi Leonard, le leader des Spurs, qui n’a joué que 9 matchs cette saison. « La blessure de Leonard a eu des conséquences sur le reste de l’équipe, et notamment sur le rôle de Parker », analyse Vincent Collet, sélectionneur de l’équipe de France et coach de Strasbourg.

« Pour les Spurs, c’est un faiseur de jeu. Ils attendent de lui qu’il fasse jouer les autres. Sans Leonard, ils avaient besoin de joueurs qui soient plus créatifs et agressifs. Ce sont des choses sur lesquelles Tony est moins attendu ».

Tony Parker et l’entraîneur des Spurs, Gregg Popovich, au Staples center de Los Angeles (Californie), en février 2017. / HARRY HOW / GETTY / AFP

D’autant que, comme le rappelle Jacques Vandescure, ancien scout [recruteur] des Spurs entre 2013 et 2016 et actuel DTN adjoint de la NBA Academy en Inde, le basket pratiqué en NBA a changé en deux décennies. Plus rythmé, plus axé sur le tir à 3 points qui n’a jamais été le fort du Français, il l’oblige aussi à se confronter défensivement à « des meneurs toujours plus rapides et agressifs, comme Russell Westbrook ou Ben Simmons »

Pour Parker, comme pour les Spurs, ce fut une saison de transition et d’adaptation. Maintenant qu’elle est close, des questions se posent sur la reconstruction d’une équipe parmi les plus âgées de la NBA, sur un hypothétique départ de Kawhi Leonard, à qui il reste un an de contrat, et sur le rôle que peut avoir Tony Parker.

Le natif de Bruges (Belgique) lance des appels du pied depuis des mois, répétant son envie de prolonger et de finir sa carrière chez les Spurs, même dans un rôle de remplaçant. Le « scénario rêvé serait de prolonger trois ans pour arriver à vingt saisons aux Spurs », disait-il en mars, s’imaginant avec Kobe Bryant et Dirk Nowitzki sur le podium des joueurs à avoir évolué deux décennies dans la même équipe. En septembre, il reconnaissait pourtant dans L’Equipe que sa longévité n’était pas un passe-droit :

« C’est à moi de le mériter. Les Spurs ne me feront pas de cadeau. »

Si l’avenir de Parker s’inscrit chez les Spurs, il passera forcément par un rôle restreint sur les parquets. Le passage de flambeau avec le jeune meneur Dejounte Murray se dessine depuis plusieurs mois. En janvier, Gregg Popovich lui avait signifié son remplacement dans le cinq de départ : « il est temps », avait laconiquement annoncé son entraîneur. « J’avais pris la même décision il y a quelques années quand Tony avait 19 ans (…). Il sait qu’à ce stade de sa carrière, être un mentor est très important. »

Jacques Vandescure, de son côté, n’imagine pas Parker accepter cette transition sans broncher :

« C’est un compétiteur, un quadruple champion de NBA, qui va devoir accepter de ne plus être sur le parquet dans les moments chauds et, surtout, de voir son jeune remplaçant peut-être faire des erreurs. »

L’exemple Ginobili

Le Français n’aura qu’à prendre exemple sur son coéquipier Manu Ginobili, 40 ans. « Tony est quelqu’un de très intelligent. Il savait que son rôle allait évoluer, comme ce fut le cas pour Manu Ginobili avant. », avance Vincent Collet. L’Argentin est passé au fil des saisons du statut de shooteur d’élite à celui de sixième homme pour finir dans le rôle de vétéran en fin de parcours qui choisit ses matchs, et ne les rate pas. C’est « Manu » qui a grandement contribué à la seule victoire des Spurs dans ces playoffs, devenant le premier joueur de plus de 40 ans à marquer plus de 10 points en playoffs en tant que remplaçant. Cette victoire était aussi la 132e en playoffs du duo Ginobili-Parker, un record en NBA.

Tony Parker et Manu Ginobili lors d’un échauffement, à San-Antonio (Texas), en avril 2017. / RONALD CORTES / GETTY / AFP

Tony Parker vise, dans l’idéal, encore trois ans à San Antonio. Les négociations commenceront le 1er juillet et se joueront plus sur la durée que sur le montant du contrat, le Français pouvant accepter le minimum salarial pour que l’équipe ait plus de marge de manœuvre financière. Car pour Jacques Monclar, consultant NBA pour BeIN Sports, il fait peu de doutes que prolongation il y aura :

« S’il y a une franchise cohérente et intelligente, c’est bien les Spurs. Tout le monde va s’asseoir autour d’une table pour se mettre d’accord et définir les rôles. Il faut juste qu’il se sente bien techniquement et physiquement avec moins de minutes. »

La retraite ne semble donc pas d’actualité pour le Français. Une troisième option serait de continuer avec une autre franchise. Impensable à ce stade de sa carrière, estime Vincent Collet : « Il a été l’homme d’une seule franchise. Son utilité en tant que joueur se mesure aisément chez les Spurs. Son expérience est irremplaçable. » « D’un point de vue purement business, je ne pense pas que les Spurs le garderaient pour trois ans, même comme meneur remplaçant, estime Jacques Vandescure. Mais ils ont toujours été très loyaux vis-à-vis de leurs joueurs phares. Comme Tim Duncan, Tony est l’âme des Spurs, je ne le vois pas changer d’univers maintenant. »