La tension monte entre Trump et le procureur spécial chargé de l’enquête « russe »
La tension monte entre Trump et le procureur spécial chargé de l’enquête « russe »
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
M. Mueller aurait évoqué, en mars, l’hypothèse d’une assignation à comparaître du président si ce dernier refusait d’être interrogé sur les interférences russes.
L’enquête « russe » s’approche-t-elle d’un moment de vérité ? Selon un article du Washington Post publié dans la soirée du mardi 1er mai, le procureur spécial Robert Mueller aurait évoqué lors d’une réunion en mars avec les avocats de Donald Trump l’hypothèse d’une assignation à comparaître devant un grand jury si le président des Etats-Unis refusait d’être interrogé sur les interférences prêtées à la Russie par le renseignement américain pendant la campagne présidentielle de 2016.
Cette affirmation du Washington Post confirmé par l’agence Associated Press intervient au lendemain de la publication par le New York Times, d’une longue liste de quarante-neuf questions que l’équipe du procureur spécial souhaiterait poser au président. Celles-ci balayent une série de dossiers liés à cette affaire, qu’il s’agisse des modalités du limogeage de Michael Flynn, l’ancien conseiller à la sécurité nationale, qui fait l’objet de poursuites pour avoir menti au FBI, ou de celles du renvoi de James Comey, alors directeur de la police fédérale américaine qui enquêtait sur ces interférences.
Le cas de Jeff Sessions, le ministre de la justice qui s’est récusé dans l’enquête du fait de contacts avec des responsables russes pendant la campagne, est également évoqué. Il en va de même avec les liens éventuels d’un des directeurs de campagne de M. Trump, Paul Manafort, poursuivi pour fraude, avec des proches des autorités russes.
Donald Trump a réagi avec vigueur sur Twitter, mardi matin, à la publication de cette liste en dénonçant une nouvelle fois un acharnement motivé par des considérations politiques. Selon la lecture très personnelle faite par le président de ces questions, elles attesteraient de l’absence d’une collusion entre son équipe de campagne et les responsables des interférences, ce qu’il ne cesse d’affirmer, ce qui expliquerait selon lui pourquoi la majorité des interrogations tournerait désormais autour d’une éventuelle obstruction à la justice. « Difficile d’entraver la justice pour un crime qui n’a jamais eu lieu ! Chasse aux sorcières ! », a-t-il tonné.
It would seem very hard to obstruct justice for a crime that never happened! Witch Hunt!
— realDonaldTrump (@Donald J. Trump)
Menace d’un limogeage
Pendant des mois, Donald Trump a donné l’impression d’être disposé à répondre aux questions du procureur spécial. La réunion du 5 mars mentionnée par le Washington Post coïnciderait avec un revirement du président. Selon de nombreux commentateurs américains, le manque de discipline notoire du locataire de la Maison Blanche et son rapport souvent ondoyant avec les faits pourraient s’avérer dévastateurs pour lui dans le cadre d’un tel interrogatoire.
Peu de temps après cette réunion du 5 mars, des membres éminents de son équipe de conseils ont annoncé leur départ, dont l’avocat John Dowd, ce qui pourrait indiquer des divergences sur la stratégie à adopter. Après avoir tenté en vain de s’attacher les services de conseils prestigieux, le président a récemment enrôlé l’ancien maire républicain de New York, Rudy Giuliani.
A plusieurs reprises, M. Trump s’est montré menaçant vis-à-vis du procureur spécial. « Beaucoup de gens ont dit : “Vous devriez le limoger” », a-t-il affirmé le 9 avril pendant que sa porte-parole, Sarah Sanders, assurait qu’il en avait la capacité. Ces menaces ont poussé des élus républicains du Sénat à s’associer le 26 avril aux démocrates en commission des lois pour faire adopter un projet visant à protéger Robert Mueller contre tout limogeage. Le chef de la majorité républicaine, Mitch McConnell, exclut cependant de l’inscrire à l’ordre du jour.
Le vice-ministre de la justice, Rod Rosenstein, qui supervise l’enquête du procureur depuis que son supérieur s’est récusé, est également sous la pression de l’aile droite de la Chambre des représentants qui a évoqué une mise à l’écart. Il y a réagi publiquement, mardi, au cours d’une conférence tenue dans le musée de Washington consacré à la presse et à la liberté de l’information, le Newseum. « Je peux vous dire qu’il y a eu des gens qui m’ont menacé en privé et publiquement depuis un certain temps, et je pense qu’ils devraient comprendre maintenant que le ministère de la justice ne cède pas aux pressions », a-t-il assuré.