TV – « Fiertés » : une histoire d’amour et de filiation
TV - « Fiertés » : une histoire d’amour et de filiation
Par Camille Langlade
Notre choix du soir. A travers le destin d’une famille, Philippe Faucon retrace avec tact et sobriété trente ans de combats LGBT (sur Arte à 20 h 55).
TEASER - FIERTÉS (ARTE, 2018)
Durée : 00:38
Victor, 17 ans, partage son quotidien entre les cours, sa petite amie, Aurélie et, le week-end, le chantier de son père, Charles. Un jour, celui-ci surprend son fils en train d’embrasser Selim, un employé, et de « faire des choses sales » avec lui. Outré, il décide aussitôt de licencier le garçon pour l’éloigner de son fils. Raillé au lycée, Victor tente d’abord de cacher son homosexualité, avant de rencontrer Serge, un militant gay de vingt ans son aîné, avec lequel il va partager sa vie.
Dépénalisation de l’homosexualité (1982), PACS (1999), loi sur le mariage pour tous (2013) : Fiertés retrace le combat de la communauté LGBT pour la reconnaissance de ses droits en France, à travers le récit d’une famille. « Trois moments de crispation, résume Philippe Faucon, qui s’articulent autour de Victor et de Serge, une belle et longue histoire d’amour, avec ses heurts et ses temps forts, qui passe de la dissimulation à une expression ouverte, poursuit le réalisateur. J’ai trouvé qu’il y avait une importance à revenir sur cette histoire. »
Société sous tension
Derrière les trajectoires intimes de ses personnages, ce triptyque dresse le portrait d’une société sous tension, incarnée d’abord par le père de Victor. Mitterrandiste convaincu, Charles n’a rien contre les homosexuels, ça non, mais quand il s’agit d’imaginer son propre fils coucher avec un autre homme, se marier et – pire ! – avoir des enfants avec lui, là, le bât blesse. Incompréhension, déni, violence ou tolérance : cette fresque familiale balaie plus de trente ans de discours sur l’homosexualité.
Pour autant, pas de militantisme à outrance. Bien que les luttes LGBT restent présentes, à travers notamment le personnage de Serge, membre d’une association venant en aide aux jeunes homos, qui, sous trithérapie, n’hésitent pas à battre le pavé, elles n’occupent pas le devant de la scène. « Si on choisit d’aborder une question politique par la fiction, il est nécessaire de faire exister le récit, les personnages, l’intime, tout autant que le propos politique », déclare Philippe Faucon. Fiertés reste d’abord une histoire universelle sur l’amour et la filiation, et porte, en creux, un certain engagement en faveur des minorités sexuelles.
Frédéric Pierrot, incarne Charles, un père qui rejette l’homosexualité de son fils. / Arthur Farache Sauvegrain / Scarlett Production / Arte France
La caméra du cinéaste montre avec pudeur les corps, les émois des adolescents, les angoisses des adultes, sans pathos et sans musique. Un parti pris esthétique qu’assume le réalisateur de Fatima : « Le récit porte sa propre musique. J’ai préféré laisser les sons et les images dans leur nudité. » De nombreuses ellipses participent de ce style épuré, comme autant de zones libres où le spectateur peut circuler à son gré.
Servie par un casting impeccable, cette série chorale ambitieuse n’en demeure pas moins inégale. Le premier épisode reste le plus touchant ; par la suite, on a l’impression que certaines scènes s’enchaînent de manière trop mécanique, au détriment de l’émotion. Que ce soit dans la bouche des protagonistes ou à travers des documents d’archives, Fiertés se veut aussi parfois trop didactique, mais cette fiction reste un geste beau, sensible et nécessaire, cinq ans après le mariage pour tous.
Fiertés, de Philippe Faucon. Sur une idée originale de José Caltagirone et Niels Rahou. Avec Samuel Theis, Stanislas Nordey, Frédéric Pierrot, Benjamin Voisin, Emmanuelle Bercot (Fr., 2017, 3 × 52 min).