Le premier ministre, Edouard Philippe, le 8 mai, lors des fêtes johanniques à Orléans. / GUILLAUME SOUVANT / AFP

En 2016, Emmanuel Macron y avait vanté une Jeanne d’Arc qui « fend le système » pour « rassembler la France », ce qui avait été interprété comme une allégorie de son propre parcours. Deux ans plus tard, Edouard Philippe s’est prêté, lui aussi, au discours à double sens à Orléans (Loiret), mardi 8 mai, où le premier ministre était venu présider les fêtes johanniques organisées chaque année par la ville, afin de célébrer sa libération, en 1429, d’un siège mené durant sept mois par les Anglais.

« Dans cette histoire sombre, tragique, surgit le plus inattendu des visages »

Sous un soleil de plomb et devant tous les corps constitués, le chef du gouvernement a ainsi rappelé que l’époque de Jeanne d’Arc était « celle d’un roi sans autorité, d’un royaume en proie aux luttes intestines (…), d’une armée découragée, et celle d’un peuple qui doute », autant de points également caractéristiques de la France durant la dernière campagne présidentielle, selon Emmanuel Macron. « Mais dans cette histoire sombre, tragique, surgit le plus inattendu des visages », a ajouté Edouard Philippe. Une allusion à la bergère de Domrémy, mais dans laquelle on pouvait aussi voir la figure de l’ancien ministre de l’économie devenu président de la République en mai 2017.

Le chef du gouvernement a filé la comparaison à plusieurs occasions. « Cette jeune femme, (…) on la moque (…), on la rabroue (…) parce qu’elle veut agir là où d’autres cherchent à temporiser. (…) On l’insulte aussi. Beaucoup. Dans des termes très crus », a-t-il ainsi énuméré devant le maire de la ville, Olivier Carré, en rupture comme lui du parti Les Républicains. « Mais il en fallait plus. Il en fallait plus pour faire perdre à Jeanne d’Arc la certitude de sa mission », a ensuite ajouté l’ancien maire du Havre, sans qu’on ne puisse s’empêcher, là aussi, d’y voir une référence au chef de l’Etat.

Lors d’un bain de foule de près de deux heures qu’il s’est offert après avoir assisté à un défilé militaire, Edouard Philippe s’est attaché à rappeler la fermeté et la conviction avec lesquelles, lui aussi, il mène la politique du gouvernement. « Tenez bon ! Faut aller jusqu’au bout ! », lui lançait un badaud. « Comptez sur moi », lui répondait le premier ministre, qui était entouré d’une dizaine d’officiers de sécurité et fut même survolé un temps par un drone de la police. « Ne lâchez rien aux cheminots ! », criait un autre. « On va aller jusqu’au bout, on va transformer les choses », assurait M. Philippe, qui a rencontré les organisations syndicales de la SNCF, lundi 7 mai à Matignon, sans aboutir pour le moment à un accord qui permettrait de mettre fin à la grève dans les transports.

L’esquive de questions qui fâchent

Quelques retraités ont bien tenté d’interpeller le premier ministre sur la hausse de la CSG, qu’ils considèrent comme injuste. « J’ai fait quarante ans de nuit et vous me piquez mes sous », lui a ainsi lancé un homme. « Faudrait un peu penser à nous et à notre CSG ! Faudrait écouter le peuple ! », ajoutait un autre. Mais à chaque fois, le locataire de Matignon préfère esquiver, continuant son chemin avec le sourire. Il s’est seulement arrêté lorsqu’il a été interrogé par un père de famille qui lui demandait pourquoi seules les classes de CP et de CE1 étaient dédoublées dans les zones difficiles. « On ne fait pas tout tout de suite, on met d’abord les moyens là où il y a les priorités », lui a répondu M. Philippe, laissant entendre que le dédoublement intervenu à l’automne ne pourrait être qu’une première vague.

Une participation du général de Gaulle à Nicolas Sarkozy

Si la visite de M. Macron, il y a deux ans, avait suscité la polémique, notamment au sein de la gauche, rien de tel cette année. Il est d’ailleurs de tradition qu’un membre du nouvel exécutif participe aux fêtes de Jeanne d’Arc après une élection présidentielle : le général de Gaulle, André Malraux, Valéry Giscard d’Estaing mais aussi Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy s’y étaient rendus. François Mitterrand avait fait deux fois le voyage. Selon le maire d’Orléans, Emmanuel Macron aurait lui-même promis de revenir d’ici à la fin de son mandat.

« Chaque génération fait face à des défis, parfois des périls, qui n’ont heureusement ni la même nature ni la même gravité. Mais face à eux, notre pays a toujours le même choix : d’un côté, celui de la division, du repli et du découragement ; de l’autre, celui de l’unité – qui n’est jamais simple, mais qui est fondamental –, celui de l’ambition et du courage. »

Ainsi conclut Edouard Philippe dans son discours tenu au pied de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans. On pouvait également y voir le défi de son gouvernement pour le reste du quinquennat.