Le 5 avril, il était encore « Michael » dans la bouche de Donald Trump. « Michael est mon avocat », précisait-il à la presse embarquée à bord d’Air Force One pour un déplacement en Virginie-Occidentale. Moins d’un mois plus tard, il n’était plus question que de « Mr. Cohen, un avocat », sur le compte Twitter du président des Etats-Unis. Le glissement sémantique a des allures de cordon sanitaire. Un raid de la police fédérale (FBI) le 9 avril et une cascade de révélations ont transformé, il est vrai, l’ancien proche du magnat de l’immobilier en quasi-pestiféré.

Pour Michael Cohen, la chute a débuté le 12 janvier avec la publication d’un article du Wall Street Journal. Il relatait son rôle dans le versement de 130 000 dollars (108 000 euros) à une ancienne actrice pornographique, Stephanie Clifford alias « Stormy Daniels », à la veille de l’élection de 2016. L’argent, qui avait transité par une société écran créée pour la circonstance, devait servir à acheter le silence de la jeune femme à propos d’une éventuelle relation extraconjugale que Donald Trump aurait eue avec elle. L’avocat avait nié, avant d’admettre être à l’origine de ce marchandage.

Ses déboires ont pris une autre tournure le 8 mai avec la révélation par un autre avocat, Michael Avenatti, le conseil de l’ancienne actrice, du versement de millions de dollars sur le compte de la même société par des firmes souhaitant manifestement s’attacher les services d’un proche du nouveau président des Etats-Unis. Un constat particulièrement embarrassant pour Donald Trump, qui avait promis à son arrivée à la Maison Blanche d’« assécher le marigot » dans lequel s’ébrouaient selon lui lobbyistes et responsables politiques.

« Je prendrais une balle pour le président »

Diplômé d’une école de droit controversée, la Western Michigan University Cooley Law School, propriétaire de taxis avant d’investir dans l’immobilier, Michael Cohen est entré au service de M. Trump au milieu des années 2000, jouant d’un ressort essentiel pour le milliardaire : la loyauté. « Si quelqu’un fait quelque chose que M. Trump n’aime pas, je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour régler le problème au profit de M. Trump. Si vous faites quelque chose de mal, je vais venir, vous attraper par le col et je ne vous lâcherai pas tant que ce ne sera pas terminé », expliquait-il à la chaîne ABC en 2011.

En septembre 2017, il en rajoutait dans son rôle revendiqué de « pitbull » au cours d’un entretien avec Vanity Fair. « Je suis le gars qui arrête les “fuites”. Je suis le gars qui protège le président et la famille. Je suis le gars qui prendrait une balle pour le président », assurait-il à la veille d’un témoignage au Congrès dans le cadre de l’affaire sur les interférences prêtées à la Russie pendant la campagne présidentielle.

Michael Cohen a-t-il conçu de l’amertume pour avoir été tenu à distance de la Maison Blanche après une victoire pour laquelle il s’était dépensé sans compter, imaginant pouvoir occuper les plus hautes fonctions, dont celle de chef de cabinet ? Le New York Times en a fait l’hypothèse.

Elle pourrait expliquer pourquoi l’avocat a monnayé au prix fort sa proximité de naguère. En quelques mois, Michael Cohen a ainsi accumulé près de 3 millions de dollars. Parmi ses bienfaiteurs figurent une entreprise d’aviation sud-coréenne, Korea Aerospace (150 000 dollars), le géant pharmaceutique Novartis (1,2 million de dollars), une firme de lobbying de Washington (500 000 dollars) ou encore l’opérateur de télécoms AT&T (600 000 dollars), engagé dans un projet de fusion avec le groupe Time Warner auquel le président est notoirement hostile.

« Grave erreur de jugement »

Ces entreprises ont reconnu les versements, non sans gêne. « Tout ce que nous avons fait était légal et légitime », a ainsi indiqué Randall Stephenson, le patron d’AT & T, dans un courrier interne, mais « notre collaboration avec M. Cohen représente une grave erreur de jugement ». Le directeur des affaires juridiques du groupe, Bob Quinn, va d’ailleurs « prendre sa retraite », selon la formule de M. Stephenson.

Une société attire plus particulièrement l’attention. Il s’agit de Columbus Nova, une firme d’investissement dirigée par l’oligarque russe Viktor Vekselberg, un proche de Vladimir Poutine. Elle aurait versé 500 000 dollars à Michael Cohen. Présent à la cérémonie d’investiture de Donald Trump, le 20 janvier 2017, M. Vekselberg fait partie du groupe d’hommes d’affaires russes proches du régime sanctionnés début avril par Washington, en représailles à l’empoisonnement, au Royaume-Uni, d’un ancien agent double russe, imputé à Moscou.

Le 9 mai, la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders, a refusé de commenter ces informations relevant selon elle de décisions d’entreprises privées. Elle a ajouté ne pas avoir entendu « le président exprimer d’inquiétudes à ce sujet » et elle a indiqué ne pas avoir « été au courant » de décisions favorables à ces sociétés prises par la Maison Blanche pendant cette période.

Le 26 avril, au cours d’un entretien téléphonique avec la chaîne conservatrice Fox News, Donald Trump avait décrit son ancien proche comme « un homme d’affaires ». « Je n’ai rien à voir avec ça », avait-il assuré, ajoutant que l’avocat ne s’occupait que d’une « minuscule petite fraction » de ses dossiers juridiques.