TV – « L’Iran à court d’eau »
TV – « L’Iran à court d’eau »
Par Alain Constant
Notre choix du soir. Dans leur documentaire, Laurent Cibien et Komeil Sohani analysent les causes d’une pénurie, devenue une urgence nationale (sur Arte à 21 h 45).
Une politique de grands travaux a encouragé la construction de gigantesques barrages. / © ARTLINE FILMS
Au cœur de l’actualité, la République islamique d’Iran intrigue, inquiète, interroge. Au-delà des clichés, du bruit des armes et des discours de circonstance, certains documentaires bien ficelés aident le grand public à mieux cerner les complexités de ce gigantesque pays peuplé de plus de 80 millions d’habitants.
Parfois, en choisissant un angle inattendu et en prenant le temps d’analyser avec minutie un aspect peu connu de la réalité d’un pays, un documentaire permet de voir plus loin. C’est le cas avec celui de Laurent Cibien et Komeil Sohani, qui s’intéresse au problème de l’eau et de sa pénurie en Iran. Une situation environnementale qui est devenue une urgence nationale.
Les premières causes de cette crise sont le changement climatique et la baisse de la pluviométrie. Par son ampleur, elle provoque d’inquiétantes tensions entre les régions. Car en Iran, la gestion de l’eau dépend de deux ministères : celui de l’énergie, qui la distribue aux villes en fonction de critères spécifiques et parfois critiqués ; et celui de l’agriculture, toujours plus gourmand puisque le secteur, modernisé à outrance, utilise 80 % des réserves d’eau du pays.
Exode rural
Le grand danger qui menace l’Iran serait donc le manque d’eau. Au fil d’un voyage qui traverse des paysages aussi somptueux qu’arides mais également dans les rues d’Ispahan ou dans celles de Yazd, aux portes du désert, le documentaire emprunte le cours de l’emblématique rivière Zayandeh Rud, qui fut longtemps symbole de source de vie dans un pays qui ne manquait pas d’eau.
Depuis une trentaine d’années, les étangs et les zones humides disparaissent, les nappes phréatiques se vident, les rivières s’assèchent. Obligés de quitter leurs terres autrefois fertiles, de nombreux agriculteurs abandonnent leurs villages et tentent de survivre dans des villes de plus en plus peuplées, dont les besoins en eau augmentent à grande vitesse. Le phénomène d’urbanisation se nourrit de cet exode rural provoqué par la sécheresse. Aujourd’hui, 70 % des Iraniens vivent en ville. Et la plupart des grandes métropoles se situent loin de la mer.
Des barrages inutilisables
« Les Iraniens utilisent beaucoup plus d’eau pour leurs usages domestiques que la moyenne mondiale. Au lieu de 150 litres environ par jour, ils en consomment entre 300 et 320 ! », souligne l’environnementaliste Mohammad Darvish. La télévision tente de faire de la pédagogie en diffusant de petits films expliquant comment économiser l’eau au quotidien. Mais les secteurs agricole et industriel sont évidemment les premiers fautifs. Sans oublier une politique de grands travaux qui, depuis près d’un demi-siècle, a encouragé la construction de gigantesques barrages, permettant au passage la distribution de confortables pots-de-vin aux industriels souvent liés à l’armée. Or, aujourd’hui, on estime que 40 % des 650 barrages iraniens sont inutilisables.
Programmé en début de soirée, avant ce passionnant voyage au fil de l’eau, le documentaire signé Vincent de Cointet décrypte les enjeux stratégiques iraniens. En revenant avec de nombreux documents d’archives sur la politique militaire du pays, mais aussi en montrant une réalité sociale complexe, ce film permet fort à propos d’éclairer un peu plus le téléspectateur sur l’Iran d’aujourd’hui.
L’Iran à court d’eau, de Laurent Cibien et Komeil Sohani (Fr., 2017, 55 min). Précédé, à 20 h 50, deIran, rêves d’empire ? de Vincent de Cointet (Fr., 2018, 55 min).