L’Assemblée nationale adopte le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes
L’Assemblée nationale adopte le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes
Le Monde.fr avec AFP
Approuvé en première lecture par 115 voix, le texte doit maintenant être débattu au Sénat. Marlène Schiappa a été contrainte de batailler ferme pour le défendre.
Une victoire pour Marlène Schiappa, mercredi 16 mai, qui a porté ce texte. / ERIC FEFERBERG / AFP
Après trois jours de débats passionnels, les députés ont approuvé, dans la nuit de mercredi 16 à jeudi 17 mai, en première lecture le projet de loi de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Porté par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, le texte, qui doit maintenant être débattu au Sénat, a été approuvé par 115 voix contre 29 et 25 abstentions. La majorité La République en marche (LRM)-Modem a voté pour, tout comme le groupe Union des démocrates indépendants (UDI)-Agir/Indépendants. Les Républicains (LR) se sont abstenus. A gauche, Insoumis, communistes et socialistes ont voté contre ou se sont abstenus.
Un « coup de communication », « une chasse à l’homme »
Mercredi, les députés ont achevé l’examen du texte en approuvant la création d’une contravention d’« outrage sexiste » pour les faits de harcèlement dans l’espace public, passible d’une amende immédiate de 90 euros minimum et éventuellement d’un stage de civisme. Cette nouvelle infraction vise à sanctionner en flagrant délit des comportements et des propos sexistes comme des gestes déplacés, des commentaires sur le physique, des sifflements, des regards insistants ou obscènes, le fait de suivre volontairement à distance une personne, etc.
« C’est une nouveauté mondiale, qui fera partie des tâches des policiers du quotidien. En Belgique cela ne marche pas parce qu’il faut aller déposer plainte », a plaidé Mme Schiappa rappelant que « huit femmes sur dix ont peur de sortir toute seule le soir dans la rue ».
L’Insoumise Danièle Obono (Paris) y a vu une « déqualification du délit de harcèlement sexuel », une affirmation contestée par Mme Schiappa pour qui « le harcèlement sexuel suppose une répétition des faits ». De son côté, Sébastien Huygue (LR, Nord) a dénoncé un « coup de communication, un dispositif d’affichage ». A l’extrême droite, Emmanuelle Ménard (Hérault) a regretté « une chasse à l’homme » qui interdit « une certaine gauloiserie qui n’a rien de comparable à un harcèlement ». Pour le Modem Erwann Balanant (Finistère Quimperlé-Concarneau), « évidemment il n’y aura pas un policier derrière chaque femme comme il n’y a pas un policier derrière chaque panneau STOP. Mais cela permet de définir un interdit et faire de la pédagogie autour ».
Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, l’allongement à 30 ans après la majorité, contre 20 ans actuellement, des délais de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineurs est également dans le texte.
L’abandon de la « présomption de non-consentement » regretté
A l’exception de LRM, tous les groupes, même ceux qui ont voté pour, ont toutefois déploré l’abandon par Marlène Schiappa de son intention d’instaurer une « présomption de non-consentement », qui impliquait que toute pénétration sur un mineur de moins de 15 ans serait considérée comme un viol.
Une telle présomption, à laquelle le gouvernement a renoncé par crainte d’une censure constitutionnelle, était attendue par les associations de défense des droits des femmes et des enfants après deux affaires récentes où des fillettes de 11 ans avaient été considérées par la justice comme consentantes.
En refusant cette présomption, « vous avez perdu notre vote », a lancé le député Stéphane Viry (LR, Vosges) à la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes. « Revenez avec une nouvelle version », a renchéri la socialiste Marietta Karamanli (Sarthe). Isabelle Florennes (Modem, Hauts-de-Seine) a fait part d’un « sentiment de déception » sur ce point. « Nous sommes extrêmement déçus par le recul par rapport à votre communication », a lancé l’UDI Sophie Auconie (Indre-et-Loire) à la ministre. « Peut-être que nous n’allons pas assez loin mais c’est une avancée et notre ambition est de faire un texte solide juridiquement », a défendu le chef de file LRM Dimitri Houbron (Nord).
A la place de cette présomption, le texte prévoit d’introduire dans la définition du viol une protection particulière pour les mineurs de moins de 15 ans : les notions de contrainte et surprise, constitutives d’un viol, pourront « être caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ».
Cet article double aussi, à 10 ans d’emprisonnement, la peine pour le délit d’atteinte sexuelle « avec pénétration », pour les cas où le viol, crime passible de 20 ans de réclusion, ne pourrait être constitué, en l’absence de caractérisation d’une violence, contrainte, menace ou surprise.