« Blue », de Kiriko Nananan. / © KIRIKO NANANAN/SHODENSHA/CASTERMAN

Voilà bientôt dix ans que Kiriko Nananan ne livre plus aux lecteurs d’histoires courtes ou de romans graphiques épurés. Un silence pesant pour qui aura apprécié Everyday ou Strawberry Shortcakes, qui mettent délicatement en scène les tourments de jeunes femmes. Ce silence est interrompu par Casterman, son éditeur français, qui a réédité fin avril Blue, première grande œuvre de cette mangaka atypique que les lecteurs francophones ont découvert en 2004. Seule différence notable avec la première édition française, qui pourra dissuader certains amateurs de mangas, cette version est imprimée dans un sens de lecture occidental, « réalisée en 2008 en étroite collaboration avec l’auteur », précise l’éditeur dans l’ouvrage.

« Blue », de Kiriko Nananan. / © KIRIKO NANANAN/SHODENSHA/CASTERMAN

Le temps d’une année scolaire, celle de terminale, Blue raconte la romance fugace et ténue entre deux lycéennes, Kayako et Masami. La première, un peu banale, cherche à rallier Tokyo aussitôt son diplôme en poche. Masami, plus secrète, exerce une fascination sur sa camarade. Au fil des pages, Kiriko Nananan tisse une relation de la prime curiosité à la séparation et en effleure toutes les phases.

Un dessin simple et fragile, la frugalité des dialogues et une économie de décors d’arrière-plan témoignent de l’extrême modernité du style de la mangaka. En dépit de quelques faiblesses que l’on attribue volontiers au fait qu’il s’agisse d’un premier opus, à l’instar de la difficulté de distinguer les héroïnes sur les premières planches, Blue suggère tout le potentiel d’un travail centré sur l’introspection des personnages. L’auteure a fait ses armes dans le magazine de manga Garo, aujourd’hui éteint mais qui a longtemps brillé comme un fief punk et avant-gardiste.

« Blue », de Kiriko Nananan. / © KIRIKO NANANAN/SHODENSHA/CASTERMAN

A travers cette histoire imaginée à 24 ans et parue en 1996 au Japon, Kiriko Nananan évoque une adolescence féminine en équilibre sur un fil où le sexe opposé n’a quasiment pas de visage mais, en sourdine, peut faire basculer l’histoire. Entre les murmures, les non-dits, les inquiétudes et les œillades, la dessinatrice parvient à transmettre à son lectorat l’émoi – la constante boule au ventre – de l’adolescence.

Blue, de Nananan, traduction de Corinne Quentin, tome unique sorti le 25 avril, éditions Casterman, 229 pages, 18,95 euros.

« Blue », de Kiriko Nananan. / © KIRIKO NANANAN/SHODENSHA/CASTERMAN