Le château de Windsor, dans le Berkshire, est l’une des résidences de la famille royale. / Frank Augstein / AP

Le mariage du prince Henry de Galles, alias « Harry », 33 ans, sixième dans l’ordre de la succession monarchique, avec Meghan Markle, 36 ans, roturière, actrice, divorcée et américaine, samedi 19 mai au château de Windsor, devait symboliser la nouvelle ouverture d’esprit de la famille royale britannique. Mais admettre chez les « Royals » un beau-père déclaré financièrement en faillite et absent le jour de la noce, une demi-sœur qui traite la mariée d’« arriviste » et des neveux qui cultivent le cannabis dans l’Oregon est sans doute un peu too much. Les frasques de la famille recomposée Markle ont failli faire dérailler un événement programmé au millimètre et dont le gouvernement de Theresa May a bien besoin pour faire oublier la déprime liée à l’impasse du « Brexit ».

Le remarquable talent britannique pour mettre en scène de grandioses cérémonies et pour couvrir les fausses notes des mots les plus suaves, a une nouvelle fois opéré. Vendredi 18 mai au matin, à vingt-quatre heures du mariage royal, suivi dans le monde entier, le palais de Kensington a annoncé que le prince Charles, héritier direct de la reine Elizabeth II et futur beau-père de Meghan Markle, lui prendrait le bras pour la conduire à l’autel, en l’absence de son père. « Mademoiselle Meghan Markle a demandé à Son Altesse royale le prince Charles de la conduire à l’autel » de la chapelle Saint-Georges au château de Windsor, a indiqué un communiqué. « Le prince de Galles est ravi de pouvoir accueillir Mlle Markle de cette façon dans la famille royale. »

Habile autant qu’élégant, ce geste est aussi destiné à faire taire les méchantes langues qui accusent Kensington Palace d’avoir abandonné Thomas Markle, le père de Meghan, à la rapacité des paparazzis. Un thème particulièrement sensible pour le marié, dont la mère Diana est morte en 1997 à Paris alors que sa voiture était prise en chasse par des photographes. De fait, en face du chaos qui a prévalu ces derniers temps au sein de la famille Markle, les Windsor, longtemps secoués par les drames conjugaux et les rivalités, font figure de famille modèle. « Samedi sera un jour magnifique et heureux, a hardiment prédit une source royale. Le palais a toujours cherché à fournir son aide à [Thomas Markle]. Mlle Markle est à l’évidence soucieuse de sa santé. » Pour compléter le tableau, les petits George et Charlotte, enfants de William et Kate, figureront parmi les garçons et filles d’honneur.

Seule la mère de Meghan Markle sera présente

Après des journées de confusion, Meghan Markle a confirmé jeudi 1 mai, que son père, âgé de 73 ans, n’assisterait « malheureusement » pas à la cérémonie. « J’ai toujours été très attachée à mon père et j’espère qu’on lui laissera l’espace dont il a besoin pour se concentrer sur sa santé », a fait savoir la future « princesse » (son titre exact n’est pas tranché). La mère de Meghan Markle, Doria Ragland, 61 ans, travailleuse sociale et professeure de yoga, sera le seul membre de sa famille à être présente parmi les six cents personnes invitées à la chapelle Saint-Georges du château de Windsor, où l’archevêque de Canterbury, Justin Welby, donnera la bénédiction nuptiale, à partir de midi.

Les présentations ont été faites : mercredi, peu après son arrivée à Heathrow, Mme Ragland a pris le thé avec le prince Charles et son épouse Camilla – « un très joyeux après-midi », a révélé le palais. Le lendemain, elle a fait la connaissance de Kate, William et de leurs enfants. Vendredi, elle devait rencontrer la reine, grand-mère du marié, toujours à l’heure du thé. La qualité d’« African American » de Mme Markle est amplement mise en exergue par les commentateurs britanniques, comme symbole de la modernisation des « Royals ». « Une descendante d’esclaves noirs entre dans la famille de la chef du Commonwealth », s’est enthousiasmé la BBC. D’autres n’hésitent pas à dresser un parallèle entre l’entrée de Meghan Markle chez les Windsor et l’élection de Barack Obama aux Etats-Unis.

Des personnes attendent, la veille du mariage, le long de la barrière de sécurité sur le parcours que vont emprunter le prince Harry et Meghan Markle, à Windsor, samedi 18 mai. / Emilio Morenatti / AP

Mais le conte de fée a bien failli basculer dans le drame, ou la comédie, selon le degré d’importance que l’on accorde à l’événement. Lundi, Thomas Markle, ex-éclairagiste à Hollywood, à la retraite, avait déclaré au site people américain TMZ qu’il avait décidé de ne pas assister à la cérémonie « pour ne pas embarrasser la famille royale ou sa fille ». La veille, le tabloïd britannique Mail on Sunday avait révélé que les récents clichés le montrant se préparant pour le mariage, et présentés comme pris sur le vif, étaient en réalité le fruit d’une mise en scène et avaient été vendus 100 000 dollars (84 000 euros) dans le monde entier. Des paparazzis ont loué la maison qui jouxte celle où vit M. Markle, à Rosarito au Mexique, près de la frontière américaine. Sept ou huit voitures le suivent à chaque fois qu’il en sort, et le harcèlent. Après avoir semblé changer d’avis, le papa a fait savoir qu’il ne pourrait définitivement pas être présent. Mercredi, il aurait subi une opération cardiaque. Mais ses supposés atermoiements, connus uniquement sur TMZ, et jamais confirmés à Londres, ont enveloppé le mariage d’une impression générale de malaise et aussi de tristesse pour la future mariée.

Réveiller l’attention des Britanniques

Ces imprévus de dernière minute ont transformé un événement largement protocolaire et réglé comme du papier à musique, en happening permanent. Ce qui n’est pas forcément mauvais pour réveiller l’attention des Britanniques. Selon un sondage YouGov réalisé pour l’association antimonarchiste Republic, 66 % d’entre eux n’ont rien à faire du mariage de Meghan Markle et le prince Harry. Tandis que l’événement sert de prétexte à des réjouissances entre amis ou au sein de familles, nombre de sujets du Royaume, interrogés dans les médias, font savoir qu’ils ne seront pas devant leur poste de télévision samedi. A Windsor cependant, où d’importantes mesures de sécurité sont déployées, des dizaines de milliers de spectateurs bardés de drapeaux britanniques et de photographies à l’effigie du couple, sont attendus pour assister au défilé du carrosse royal dans les rues.

Ceux que les fastes de Windsor ne passionnent pas peuvent se délecter en revanche du mauvais feuilleton alimenté par la jalousie des membres de la famille Markle qui, non invitée à la noce, règle leurs comptes ou tentent de profiter de l’aubaine. Les « stars » de ce regrettable soap opera sont Samantha et Thomas Junior, les demi-sœur et frère de Meghan Markle. Samantha Grant, 53 ans, qui a repris récemment le nom de Markle, oscille entre férocité et gentillesse à l’égard de la future mariée, qu’elle n’a pas vue depuis dix ans. Peu après l’annonce de la romance « Meghan-Harry », elle a traité sa demi-sœur d’« arriviste » dans le Sun en se demandant si elle était digne d’entrer dans la famille royale. Elle a ensuite annoncé la publication d’un livre sur Meghan Markle gentiment intitulé Le Journal de la sœur de la princesse aux dents longues.

Reproches familiaux… et revirements

Lorsqu’en décembre, Harry a expliqué à la BBC que la famille royale était « la famille que, je suppose, Meghan n’a jamais eue », Samantha a explosé : « En réalité, Meghan a une grande famille qui a toujours été là pour elle. » Elle lui a reproché de porter « une robe de couturier à 56 000 livres sterling », somme qui aurait été mieux dépensée, selon elle, pour aider leur père en faillite. Atteinte de sclérose en plaques et clouée dans un fauteuil roulant, elle regardera le mariage depuis les Etats-Unis après avoir mis de l’eau dans son vin. « Je suis incroyablement heureuse pour toi », a-t-elle fait savoir en assurant que l’esprit de son livre avait été « mal interprété ». Jeudi, Samantha Markle aurait eu un accident de voiture en Floride en tentant d’échapper à des paparazzis.

Thomas Junior, 51 ans, installateur de fenêtres dans l’Oregon, a, lui aussi, étalé sa rancœur avant de se raviser. Dans une lettre publiée par le magazine In Touch, il avait conseillé au prince Harry d’annuler son mariage avec sa demi-sœur, une femme « cynique, insensible et prétentieuse » qui n’est « de toute évidence pas la bonne personne ». Non invité à la cérémonie, il vient cependant de se faire photographier à Windsor pour le Daily Mirror aux côtés de répliques en carton des futurs mariés, en affirmant que Meghan Markle serait « une parfaite princesse moderne ». Pour couronner le tout, Tracey Dooley, l’ex-épouse de Thomas Junior, a fait, elle aussi, le voyage de Windsor – sans invitation – avec ses deux fils, Thomas et Tyler. Ce dernier cultive le cannabis dans l’Oregon – Etat où la plante est autorisée. Ils commentent le mariage pour des chaînes de télévision américaine.

Les événements liés à la famille royale ont ceci de particulier pour un journaliste qu’il est impossible de vérifier de façon indépendante les sentiments, les humeurs ou les opinions prêtés aux Windsor. Ils ne donnent pratiquement jamais d’interview et leur communication est ultra-verrouillée par une armée de communicants experts en langue de bois royale. Mais un fait semble avéré : Tyler Dooley, 25 ans a profité du mariage royal de sa tante pour développer une souche hybride de cannabis qu’il a poétiquement baptisé « Markle Sparkle » (« éclat de Markle »). Une formule inédite pour une noce éblouissante.