La hausse du CO2 réduit la qualité nutritionnelle du riz
La hausse du CO2 réduit la qualité nutritionnelle du riz
Par Alexis Riopel
Une concentration plus élevée de dioxyde de carbone dans l’atmosphère dope la croissance du riz, mais abaisse sa teneur en protéines, en minéraux et en vitamines
Dans une rizière, à Huaing (Chine), le 24 avril. / QIU HAIYING/SIPA ASIA/ZUMA WIRE/DPA
En plus de contribuer à l’effet de serre, un accroissement de la concentration de CO2 dans l’atmosphère pourrait appauvrir les qualités nutritionnelles d’une céréale qui donne à la population mondiale le quart de ses calories : le riz. Selon une étude parue mercredi 23 mai dans la revue Science Advances, la teneur en protéines du riz baissera d’environ 10 % d’ici à la fin du siècle. Le contenu en fer chutera quant à lui de 8 %, alors que le zinc diminuera de 5 %. Les concentrations de vitamines B1 et B2 – deux des rares vitamines pourvues en quantité significative par le riz – plongeront de 10 % à 30 %.
Cette étude corrobore des recherches antérieures sur les protéines et les minéraux, mais elle évalue pour la première fois l’impact sur les vitamines. Les auteurs de l’Académie chinoise des sciences, du département américain de l’agriculture et de plusieurs universités identifient aussi les pays où le phénomène frappera le plus fort la santé publique. Ce sont, sans surprise, les pays les plus pauvres de l’Asie du Sud-Est, comme le Bangladesh, le Cambodge, le Laos et le Myanmar, ainsi que Madagascar.
Six cents millions de personnes dans ces pays tirent plus de la moitié de leurs calories du riz, si bien qu’une baisse de la qualité nutritionnelle de cette céréale peut avoir de graves conséquences sur leur santé. Un manque de minéraux, de protéines ou de vitamines nuit notamment au développement cognitif, au métabolisme et au système immunitaire.
Expériences en plein air
Toutefois, Didier Tharreau, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement à Montpellier, tient à dédramatiser la situation, surtout pour la question des vitamines. « Il faut prendre un peu de recul, commente-t-il. Même dans les pays où on consomme beaucoup de riz, cette céréale n’est pas une source cruciale de vitamines. »
En effet, au Bangladesh, où on consomme plus de 400 g de riz sec par jour, la baisse du contenu en vitamines B1 et B2 prévue dans Science Advances ne représente pas plus de 3 % de l’apport quotidien. La diminution de la teneur en protéines (6 % de la dose quotidienne) est cependant plus importante.
Pour arriver à ces résultats, l’équipe de chercheurs a mené des expériences en plein air sur deux rizières, en Chine et au Japon, avec 18 variétés de riz différentes. Les scientifiques ont installé des tubes percés de pores soufflant du CO2. Des capteurs permettaient d’ajuster le débit de gaz afin de maintenir le taux de CO2 entre 568 et 590 ppm, ce qui correspond aux prévisions parmi les plus basses pour 2100. La concentration actuelle de CO2 dans l’atmosphère se chiffre à plus de 400 ppm.
« Quand il y a plus de carbone dans l’air, la plante atteint une plus grande taille, produit plus de graines, mais cela se fait à un prix : des qualités nutritionnelles diminuées », explique Lewis Ziska, l’un des auteurs de l’étude, botaniste au département de l’agriculture des Etats-Unis. Quand un plant de riz absorbe davantage de carbone, il produit, toutes proportions gardées, moins de protéines, puisque celles-ci ont aussi besoin d’azote. Toutefois, les chercheurs s’expliquent mal pourquoi le contenu en vitamines et minéraux diminue.
Dans leur article, les auteurs avancent quelques stratégies pour prévenir les carences chez les populations affectées. La plus évidente est l’adoption d’un menu équilibré, incorporant des fruits, des légumes et de bonnes sources de protéines. Mais cette solution n’est pas à la portée des pays les plus pauvres. Les auteurs suggèrent aussi d’élaborer des variétés de riz moins affectées par la hausse du CO2 grâce à des techniques traditionnelles d’hybridation.
Toute approche vaudra le coup d’être essayée, selon Lewis Ziska, tant le problème est sérieux. En fait, il serait même généralisé à plusieurs cultures agricoles. Ces dernières années, des expériences ont révélé qu’une atmosphère plus riche en carbone réduit aussi les qualités nutritionnelles du blé, de l’orge, de l’avoine et du maïs.