Wopke Hoekstra : « Il n’y pas d’analogie entre la Grèce et l’Italie »
Wopke Hoekstra : « Il n’y pas d’analogie entre la Grèce et l’Italie »
Propos recueillis par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen), Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Wopke Hoekstra, ministre des finances des Pays-Bas, réagit à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement eurosceptique en Italie.
Wopke Hoekstra, ministre des finances des Pays-Bas, et Bruno Le Maire, son homologue français, le 24 mai. / EMMANUEL DUNAND / AFP
Ministre des finances des Pays-Bas depuis octobre 2017, Wopke Hoekstra, 42 ans, membre du parti chrétien-démocrate CDA, a été cadre dans le secteur privé (Shell et Mac Kinsey) avant de devenir l’une des étoiles montantes de la politique néerlandaise. Il se dit « admirateur » d’Emmanuel Macron mais n’approuve pas – loin de là – tous ses projets pour l’Europe et sa relance.
Comment jugez-vous le programme du nouveau gouvernement italien, particulièrement et singulièrement en ce qui concerne l’euro ?
J’espère que, comme je l’ai toujours fait, les dirigeants prennent des décisions dans l’intérêt de leurs citoyens, se concentrent sur l’équilibre budgétaire, sur la croissance. Surtout en ce moment où l’on assiste au retour de cette croissance. C’est d’ailleurs ce que j’admire le plus chez Emmanuel Macron, qui profite de la bonne conjoncture pour effectuer des réformes.
L’arrivée de ce gouvernement « anti système « ne vous fait-elle pas craindre une nouvelle crise « à la grecque » ?
La crise grecque était très spécifique et est survenue en pleine crise de l’eurozone. Le budget et les banques grecques étaient aussi dans une situation très différente de celle de l’Italie. Donc, non, pas d’analogie.
La Commission européenne devrait-elle envisager d’assouplir les règles du pacte de stabilité, comme l’y invitent certains ?
Il est complètement évident que les pays de l’eurozone se sont engagés à respecter une série de règles et de pratiques, non pas parce que c’était une demande de Bruxelles mais parce qu’ils comprenaient tous que c’était dans leur intérêt. La Commission doit rester un gardien juste, strict, cohérent de ces règles.
Emmanuel Macron a proposé des réformes pour avancer dans l’intégration de la zone euro, vous les soutenez ?
J’admire vraiment les réformes qu’a engagées le gouvernement français et sa volonté de rééquilibrer le budget. J’admire aussi la clarté et la ténacité de Bruno Le Maire, avec qui je partage beaucoup de points de vue sur l’achèvement de l’Union bancaire notamment. La grande question, c’est l’ordre des priorités. Nous pouvons envisager qu’une assurance commune des dépôts soit un jour constituée. Mais il est crucial que nous soyons très stricts sur les conditions de participation des banques à ce mécanisme.
Je distingue parfaitement la logique de cette assurance, mais nous devons d’abord nous attaquer à la réduction des risques dans les bilans des banques et ne commencer à partager la solidarité qu’une fois ces réductions des risques achevées. Il ne peut être question de mener les deux en parallèle.
Comme la France, nous sommes aussi d’avis que l’Union doit disposer d’un budget commun adapté au XXIe siècle. Plus restreint et modernisé.
Et donc bien plus modeste que celui que la Commission a proposé au début du mois de mai ?
Les Britanniques contribuent à hauteur de 15 % du budget commun actuel. Et, pour nous les Néerlandais, le Brexit est un sujet très sensible : la Grande-Bretagne est l’un de nos trois principaux partenaires. Nous serons donc parmi les plus affectés par leur départ, avec l’Irlande. Et la logique de la Commission serait de compenser simplement ce trou budgétaire et même d’aller plus loin, obligeant notamment les Néerlandais à contribuer beaucoup plus ? Il ne serait ni juste ni raisonnable de nous demander davantage alors que nous sommes l’un des premiers des contributeurs nets au budget actuel. Ce qu’il y a actuellement sur la table n’est donc tout simplement pas acceptable.
Etes-vous prêt, avec la France à vous battre pour éviter des coupes dans la politique agricole commune ?
En France, on comprend, je pense, qu’un budget modernisé signifie plus d’argent pour des enjeux sensibles, comme la migration et la protection des frontières, la défense, l’environnement, l’innovation. Et que, pour tous ces sujets prioritaires, on doit ajuster le budget.
La Commission propose de lier l’accès aux fonds de cohésion au respect de l’Etat de droit, ce qui cible évidemment des pays de l’est. Vous approuvez ?
L’Europe est un projet économique et un projet de valeurs partagées. Il est difficile d’expliquer à nos concitoyens que, d’un côté, nous payons et nous montrons solidaires tandis que, de l’autre, des pays refusent de respecter certaines valeurs fondamentales et d’accepter la réciprocité. Je suis indisposé par la discussion sur la migration : des pays qui reçoivent de l’Europe l’équivalent de plusieurs pourcents de leur produit intérieur refusent de recevoir des réfugiés. Si nous ne rétablissons pas l’équilibre entre solidarité et réciprocité, nous allons éroder les bases, la logique, la compréhension de l’Europe dans un pays comme le mien.
Que pensez-vous du budget de la zone euro évoqué par le président français ?
Nous sommes à l’unisson sur de nombreux sujets mais je ne vois pas comment nous pourrions accepter un budget de la zone euro. Je ne vois pas à quelle logique convaincante il répondrait et comment il pourrait être budgétairement neutre. Ni comment on pourrait éviter d’entrer alors dans une logique de transferts financiers.