La combinaison de Serena Williams à Roland-Garros : une raison d’être médicale, politique et symbolique
La combinaison de Serena Williams à Roland-Garros : une raison d’être médicale, politique et symbolique
Par Luc Vinogradoff
Pour son premier match dans un grand tournoi depuis sa grossesse, l’ancienne numéro 1 mondiale a joué dans une impressionnante combinaison noire.
La « combinaison du Wakanda » de Serena Williams, mardi 29 mai à Roland-Garros. / CHRISTOPHE SIMON / AFP
Pour son match dans un tournoi majeur depuis seize mois, Serena Williams a, comme souvent dans son incroyable carrière, gagné. En deux sets, (7-6 (7/4), 6-4), face à la Tchèque Kristyna Pliskova, au premier tour d’un Roland-Garros qui n’avait d’yeux que pour elle. Et pour sa tenue, une impressionnante combinaison noire à ceinture rouge.
En conférence de presse d’après-match, les journalistes essayant de parler de tennis devaient presque s’en excuser, tant les autres sujets liés à l’ancienne numéro 1 mondiale ont pris le dessus. Ont été évoquées les conditions du retour de Serena, sa maternité, à la suite de la naissance il y a neuf mois de sa fille, Olympia, ainsi que cette tenue inhabituelle sur les courts.
Cette combinaison ultramoulante qui descend jusqu’aux pieds a, selon Serena Williams, « un petit côté fonctionnel ».
« J’ai beaucoup porté de pantalon en jouant, parce que cela favorise une meilleure circulation sanguine. C’est une combinaison marrante qui me permet de jouer sans aucun problème. »
Depuis un accident dans un hôtel de Munich en 2003, Serena Williams a souffert d’embolies pulmonaires provoquées par la circulation de caillots dans le sang. Elle a ensuite connu des complications médicales après la naissance de sa fille, avec là encore des « problèmes de caillots de sang ».
Hommage au Wakanda
Une raison d’être médicale et sportive. Mais l’habit de celle qui a ouvert sa vie aux caméras de HBO depuis qu’elle sait qu’elle est enceinte (la chaîne payante américaine a produit la série Being Serena) est également un geste vestimentaire presque politique. S’habiller tout en noir, et aussi près du corps, est une façon, selon la joueuse, « de représenter toutes les femmes qui ont dû traverser des épreuves, mentalement et physiquement avec leurs corps, et qui reviennent, confiantes et croyant en elles-mêmes. ».
Catsuit anyone? For all the moms out there who had a tough recovery from pregnancy—here you go. If I can do it, so… https://t.co/wycharHRC0
— serenawilliams (@Serena Williams)
En 2002, Serena Williams avait déjà irrité certaines des sphères les plus conservatrices du tennis en jouant l’US Open avec une combinaison, bien plus courte. « Celle-ci est la combinaison 2.0 », a-t-elle précisé mardi.
Autre dimension politique de cette combinaison qui en a décidément beaucoup, le choix de la couleur et du design qui est « inspiré du Wakanda », pays fictif présenté dans le film Black Panther. « On a créé la combinaison bien avant le film, mais ça me le rappelle un petit peu quand même », a-t-elle reconnu. Le film de super-héros produit par Marvel a battu des records d’entrées, notamment aux Etats-Unis, où il revêt une symbolique importante dans la lutte pour la représentation des Noirs dans la culture populaire.
Objectif 25 tournois du Grand Chelem
« J’ai toujours voulu être une super-héroïne et c’est un peu une manière d’en devenir une. J’ai vraiment l’impression d’être une super-héroïne quand je la porte », a-t-elle dit en rigolant. La joueuse aux 23 titres du Grand Chelem, la meilleure de sa génération, aurait voulu être « une princesse guerrière » ou « une reine du Wakanda ». Ces revendications politico-culturelles ne sont pas récentes chez Serena Williams, qui avait par exemple participé au clip de Lemonade, de Beyoncé, une chanson « qui parle de courage et de force », et s’était dévoilée sous l’appareil d’Annie Leibovitz.
Hormis Steffi Graf et Martina Navratilova, aucune joueuse n’a passé plus de temps à la première place du classement WTA que Serena Williams. Elle est arrivée à Roland-Garros à la 451e place mondiale, avec l’ambition de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie de famille. Et en étant la meilleure possible dans les deux.
« Le tennis m’a beaucoup donné, mais ma priorité désormais est Olympia, peu importe ce qu’il arrive », a-t-elle dit mardi. Dans une interview à Vogue, réalisée quelques mois avant son retour, elle s’imaginait élevant sa fille à San Francisco, où travaille son mari. Avant de se reprendre :
« Pas encore. Cela va sans dire, mais je vais quand même le dire clairement : je veux davantage de [tournois du] Grands Chelems, absolument. Malheureusement, je connais très bien les records. Ce n’est un secret pour personne, mon objectif est d’en avoir 25. »