Finale de NBA entre les Golden State Warriors et les Cleveland Cavaliers : un acte IV un peu différent des précédents
Finale de NBA entre les Golden State Warriors et les Cleveland Cavaliers : un acte IV un peu différent des précédents
Par Luc Vinogradoff
Les meilleures équipes de la NBA se retrouvent pour la 4e fois consécutive en finale, un sommet qui sera passionnant mais pas forcément répétitif.
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— ACNeenan (@KaWhy Leonard)
Retrouver les Golden State Warriors et les Cleveland Cavaliers à la fin de la saison de NBA est devenu tellement prévisible, tellement attendu, qu’un montage, flottant sur les réseaux, nous a paru bien résumer l’inévitabilité de cette finale.
Un anonyme internaute a eu la belle idée de refaire le générique de La Vie de Famille en substituant la famille Winslow et Steve Urkel par les joueurs des deux équipes. Ce petit clip transmet ce sentiment plaisant de sécurité et familiarité qu’il y a regarder une intro qu’on connaît déjà par cœur, les mêmes personnages qui font les mêmes gestes saison après saison, et c’est un sentiment qui colle parfaitement à l’immuable conclusion des playoffs de la NBA.
Les Cavaliers et les Warriors sont les premières franchises à s’affronter quatre fois de suite en finale dans l’histoire des quatre sports majeurs américains (basket, football américain, hockey, baseball). Avant même le début de la saison, les retrouvailles paraissaient inéluctables entre les Warriors, une des équipes les plus complètes et adroites au tir de tous les temps, et LeBron James, un des meilleurs joueurs de tous les temps.
- L’acte I de la rivalité, en 2015, s’est soldé par la première victoire de Golden State en 40 ans (victoire 4 matchs à 2).
- L’acte II, en 2016, a été la vengeance légendaire de LeBron James et le premier titre de l’histoire des Cavaliers en 2016 (4-3).
- L’acte III, en 2017, a été la consolidation des Warriors comme l’équipe (impossible) à battre de la NBA (4-1).
On aurait pu considérer l’acte IV, qui commence à 3 heures (heure de Paris) dans la nuit de jeudi 31 mai au vendredi 1er juin, comme potentiellement répétitif, ou ennuyeux tellement le déséquilibre en faveur des Warriors est flagrant. Voici 5 raisons qui font que ça ne sera pas forcément le cas.
Les deux équipes ont été poussées à bout en playoffs
Ron Schwane / AP
On a l’habitude de dire que les 82 matchs de la saison régulière n’ont aucune importance, que les meilleures équipes les jouent en trottinant dans le but de monter en puissance juste avant les playoffs. Cela avait été la stratégie des Warriors et des Cavaliers ces dernières années. Jusqu’en 2018, quand les premiers ont fini derrière les puissants Houston Rockets à l’Ouest, et les seconds à la 4e place de l’Est, avec le pire record (50 v-32 d) depuis le retour de LeBron James en 2014.
Pire, des playoffs en forme de marathon ont été éreintants pour l’une comme l’autre équipe. Les Warriors ont eu besoin de 17 matchs, dont un à élimination directe, pour éliminer les Rockets (4-3), les San Antonio Spurs (4-1) et les New Orleans Pelican (4-1). Les Cavaliers ont eu besoin de 18 matchs, dont deux à élimination directe, pour éliminer Boston (4-3), Toronto (4-0) et Indiana (4-3).
La donne est simple : plus vous jouez de matchs en playoffs, plus vous arrivez fatigués en finale, et plus l’équipe en face de vous a eu le temps de décortiquer vos tactiques, de trouver des parades à vos points forts et d’exploiter vos faiblesses.
En scrutant la longue série de Cleveland face à Boston, les Warriors ont confirmé que le meilleur moyen de battre les Cavaliers est (d’essayer) de neutraliser, ou a minima de fatiguer le plus possible LeBron, en pariant que ses shooters (Korver, J.R. Smith) ne soient pas au niveau. En regardant la longue série de Golden State face à Houston, les Cavaliers ont compris qu’isoler Kevin Durant, ralentir le jeu et attaquer d’entrée une équipe qui commence lentement ses matchs étaient leurs seules voies de salut. Les deux finalistes ne se sont jamais aussi bien connus.
LeBron n’a jamais aussi bien joué… mais il est un peu seul et très fatigué
Frank Gunn / AP
Il n’y a plus de superlatif assez fort pour expliquer la domination individuelle de LeBron James. A 33 ans, quand la plupart des joueurs sont retraités ou un ersatz ce qu’ils furent, il a joué peut-être le meilleur basket de sa carrière pour sa 15e saison. Cleveland a avancé dans ses playoffs au rythme des performances de LeBron, condamné à porter son équipe comme Atlas porte la voûte céleste sur ses épaules.
En anglais, on dit d’un joueur qu’il est clutch quand il performe dans les moments où il est le plus attendu. LeBron James en est la personnification, lui qui a conduit son équipe à la victoire dans ses huit derniers matchs à élimination directe. Lors du match 7 contre les Boston Celtics en finale de conférence, il a été le meilleur marqueur (35), rebondeur (15), passeur (9), bloqueur (2) et tireur (12 sur 24). Il n’a jamais été remplacé pendant 48 minutes. L’accumulation des années de domination fait que le King possède désormais presque tous les records en playoffs. Un des rares qui lui échappe est pourtant le plus important : s’il a disputé neuf finales, dont huit consécutive, il n’a que trois victoires.
Le corollaire de ces stats démentielles est que LeBron James est de plus en plus usé. Il est celui qui a (on répète, à 33 ans) joué le plus de minutes cette saison (3 468), et en playoffs 743 de 864 minutes possibles. A plusieurs reprises ces dernières semaines, on l’a vu exténué ou, après le match, avec des énormes poches de glace sur ses genoux. L’avenir de Cleveland dépendra de combien de temps le corps de James tiendra.
Ses Cavaliers n’ont jamais été aussi mauvais
David Butler II / USA TODAY Sports
Si LeBron James est en surchauffe, c’est parce que le reste de l’effectif de Cleveland n’irait pas loin sans qu’il le soit. De toutes les équipes qu’il a emmenées en finale, celle-ci est peut-être la plus mauvaise. « Il n’aura jamais réalisé de plus grand accomplissement », a dit, ironique, l’ancien coach Jeff Van Gundy. « Les Cavaliers sont LeBron et des détritus », a résumé le site spécialisé The Ringer et on ne peut pas tout à fait leur donner tort.
Après avoir envoyé leur deuxième meilleur joueur, Kyrie Irving, à Boston à l’intersaison, les Cavaliers n’ont jamais su construire un entourage cohérent autour de James. Ils arrivent en finale comme un agglomérat de vétéran surfacturés, de joueurs souvent médiocres et d’espoirs coincés dans leur développement. Ils ont terminé la saison à la 4e place de la conférence Est (50V - 32D), le plus mauvais exercice depuis le retour de James en 2014. Et ils joueront ce soir sans celui qui est supposé être le bras droit de LeBron sur le parquet, Kevin Love, blessé après un choc à la tête.
Steph Curry a quelque chose à prouver
David J. Phillip / AP
A 30 ans, le double meilleur joueur de la saison régulière (2015, 2016) est toujours un shooteur à la précision létale. Mais il sort d’une des saisons les plus compliquées de sa carrière. Des blessures au genou l’ont obligé à rater 31 matchs, dont tout le mois d’avril précédant les playoffs. Ça s’est ressenti sur ses performances après son retour, avec une moyenne de 24,8 points par match avec une réussite à trois points de 38,5 %, contre les 28,1 points et 41,9 % de 2017.
Surtout, le meneur n’est plus aussi omniprésent dans l’attaque de Golden State depuis que Kevin Durant, lui-même un des meilleurs joueurs NBA de tous les temps, a rejoint l’équipe.
Même si Curry est encore capable de sortir des matchs de jeu-vidéo quand il veut (le quart-temps à 27 points, dont 7 tirs à trois points dans le match 7 contre Houston), la balle a davantage tendance à aller dans les mains de Durant, voir de Klay Thompson. « Ça prouve à quel point c’est difficile d’atteindre les finales, à quel point c’est difficile de se battre pour un championnat », a dit Curry à propos de ces playoffs, comme si la domination de son équipe lui avait fait oublier cette réalité. Il arrivera en finale avec non seulement l’idée de gagner un 3e titre en 4 ans, mais d’en être le « MVP », une des rares récompenses qu’il n’ait pas déjà.
Andre Iguodala ne sera peut-être pas là
Troy Taormina / USA TODAY Sports
On pourrait croire que dans un effectif incluant quatre futurs membres du Hall of Fame (Curry, Durant, Thompson, Green), la blessure d’un remplaçant ne serait pas une question de vie ou de mort. Sauf que le remplaçant en question est Andre Iguodala, 34 ans, MVP de la finale 2015 dont les connaisseurs savent qu’il est la colle qui tient ensemble les rouages de la machine Warriors.
Ses stats de playoffs peuvent paraître banales (7,9 points, 5 rebonds, 3,1 passes), mais sa défense, féroce, son expérience et son intelligence innée du jeu manquent cruellement aux champions en titre depuis qu’il s’est blessé dans le match 3 contre les Rockets. Sans lui, les Warriors ont perdu les matchs 4 et 5, frôlant l’élimination.
Pour l’instant, celui qui a été des trois dernières finales sera indisponible officiellement que pour le match 1. S’il ne revient pas rapidement, les Warriors n’auront personne pour défendre LeBron James (la spécialité d’Iguodala). Ils prieront pour que le reste de leur banc - des vétérans en fin de carrière, des jeunes qui découvrent les playoffs et l’immortel Zaza Pachulia - contribuent quoi que ce soit.