TV – « Ma part de gâteau » : le trader et l’ouvrière face à l’utopie de la mixité sociale
TV – « Ma part de gâteau » : le trader et l’ouvrière face à l’utopie de la mixité sociale
Par Jacques Mandelbaum
Notre choix du soir. A travers un couple très antagoniste, Cédric Klapish peint la crise en rose et noir (sur OCS Max à 20 h 40).
Ma part du gâteau (Cédric Klapisch) - Bande Annonce
Durée : 01:45
Avec Ma part du gâteau, Cédric Klapisch verse son écot à la question de la fracture sociale. Pour ce faire, il se lance dans un récit qui met en scène un couple antagoniste : France (Karin Viard), une ouvrière récemment licenciée, et Steve (Gilles Lellouche), un fringant tradeur à l’ascension fulgurante.
Comment œuvrer à la crédibilité d’une relation intime que l’honnêteté morale exige de détruire ? Le cinéaste y répond de manière plutôt convaincante. D’abord en s’abstenant de brusquer la rencontre de la carpe et du lapin, en trouvant une manière plausible de la susciter. Le montage alterné joue ici son rôle. France vit à Dunkerque, son usine ferme, laissant sur le carreau les ouvriers ; elle fait une tentative de suicide. A Londres, Steve mène une brillante carrière dans une banque d’affaires où le manque de scrupules est un gage de professionnalisme. Il suit d’un air distrait le reportage qui fait état de la fermeture de l’usine.Puis France, divorcée et mère de trois filles, décide de remonter la pente, saisit le tuyau que lui donne un collègue en se rendant à Paris proposer ses services à une entreprise de ménage. Au même moment, Steve est promu à Paris, pour y diriger un fonds spéculatif. France est évidemment placée chez Steve.
Tempérance et abnégation
La ficelle est un peu grosse. Le plus dur reste encore à faire. Trouver un moyen pour que ces deux clichés vivants – la Mère Courage venue du Nord et le monstre d’égoïsme ultralibéral – se découvrent assez d’atomes crochus pour faire vibrer l’histoire.
Steve, aussi efficace dans son métier qu’immature dans sa vie privée, doit gérer l’irruption de son fils de 4 ans, qu’il connaît à peine. France se rend indispensable. Il lui explique la Bourse, elle lui explique la vie. Il ne rêve que de jouissance et de profit immédiats, elle lui montre les vertus de la tempérance et de l’abnégation. La distance fond jusqu’à ne plus laisser entre eux que l’épaisseur d’un drap. Cette mixité sociale par l’union charnelle tient beaucoup à la manière élégante, hommage au classicisme hollywoodien, avec laquelle Cédric Klapisch manie les mots, les regards, les corps des acteurs. Karin Viard et Gilles Lellouche s’y prêtent admirablement.
Ma part du gâteau, de Cédric Klapisch. Avec Karin Viard, Gilles Lellouche, Audrey Lamy (Fr, 2011, 109 minutes).