Pendant un meeting du nouveau premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, à Ambo, en région le 11 avril 2018. / ZACHARIAS ABUBEKER / AFP

Le Parlement éthiopien a levé, mardi 5 juin, l’état d’urgence qui avait été instauré le 16 février pour six mois. Cette décision est interprétée comme un nouveau signe d’apaisement du régime et du premier ministre, Abiy Ahmed, investi en avril à la suite d’une crise politique sans précédent en un quart de siècle.

Les parlementaires ont adopté cette mesure en raison « de la stabilité relative et du calme » régnant dans le pays – le deuxième plus peuplé d’Afrique –, notamment depuis la prise de fonctions d’Abiy Ahmed, a rapporté l’agence de presse éthiopienne ENA.

L’état d’urgence avait été décrété par le gouvernement (puis ratifié par le Parlement) au lendemain de la démission surprise, le 15 février, du précédent premier ministre, Hailemariam Desalegn. Celui-ci avait été emporté par une crise politique marquée par d’importantes manifestations antigouvernementales, violemment réprimées.

Des gages donnés à l’opposition

Le mouvement de protestation avait débuté fin 2015 en région Oromia (sud et ouest), berceau de la plus importante communauté du pays, puis s’était étendu courant 2016 à d’autres zones, dont la région Amhara (nord). Sa répression a fait au moins 940 morts, selon la Commission éthiopienne des droits de l’homme, liée au gouvernement.

Un calme relatif n’était revenu qu’avec l’instauration d’un premier état d’urgence entre octobre 2016 et août 2017 et au prix de milliers d’arrestations.

En avril 2018, la coalition au pouvoir, dos au mur, a investi pour la première fois de l’histoire contemporaine de l’Ethiopie un premier ministre issu de la communauté oromo, M. Abiy. Depuis, ce dernier a multiplié les appels à la concorde et le régime a donné des gages à l’opposition : après avoir rapidement libéré onze blogueurs et opposants, il a rétabli Internet, qui était toujours coupé en dehors de la capitale pour entraver la communication entre manifestants.

Le nouveau premier ministre s’est ensuite rendu dans le sud du pays pour tenter de réconcilier les Somalis et les Oromo, qui s’étaient affrontés en 2016. Ces violences avaient fait plusieurs centaines de morts.

« Un moyen pour Abiy d’asseoir son autorité »

Il a également organisé une visite dans l’un des foyers de la contestation, en région Oromia, où il a appelé, le 11 avril, la jeunesse locale à lui donner du temps pour mener à bien ses réformes, affirmant que le pays était « désormais sur la voie du changement et de l’amour ».

Fin mai, ce sont plusieurs centaines de prisonniers qui ont été libérés, dont l’Anglo-Ethiopien Andargachew Tsige. Haut responsable du groupe armé d’opposition Ginbot 7, ce dernier est le plus connu des dissidents sortis de prison depuis l’arrivée au pouvoir de M. Abiy.

« L’état d’urgence n’était déjà plus pertinent au regard de l’ouverture de l’espace politique et de la libération de prisonniers politiques », a réagi mardi l’analyste éthiopien Hallelujah Lulie, contacté par l’AFP. La décision d’y mettre fin « est un moyen pour Abiy d’asseoir son autorité », a-t-il estimé. « Cela peut aussi être considéré comme une façon de souligner le départ de l’establishment qui avait imposé [cette mesure d’exception]. »

Les récentes libérations d’opposants et la levée de l’état d’urgence ont été saluées mardi par le haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, qui les a qualifiées dans un communiqué d’« indications positives ».