François Hollande à Rotterdam, aux Pays-Bas, le 3 avril 2018. / BAS CZERWINSKI / AFP

« Retour sur un quinquennat anormal : voilà comment nous aurions pu intituler cette rencontre », dit en guise d’introduction Gilles Finchelstein, le directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, qui acceuillait jeudi 7 juin dans la soirée François Hollande, venu défendre son bilan pendant plus de deux heures, en public — comme il l’avait demandé — à la maison de la Chimie à Paris.

Lors de cet événement inédit, l’ancien président de la République s’est montré combatif, assumant et revendiquant la totalité de son bilan. François Hollande n’a reconnu qu’une « faute », la méthode utilisée pour la loi El Khomri, et n’a exprimé qu’un seul regret : « La déchéance de nationalité, qu’il fallait retirer plus tôt. »

Dans un décor sérieux, des pupitres blancs en arc de cercle, avec d’un côté le « jury », composé de Gilles Finchelstein, de la sociologue Anne Muxel et de l’économiste Daniel Cohen, et de l’autre, François Hollande, qui répond à toutes les questions, quand il ne les provoque pas — « j’espère que nous parlerons du discours du Bourget » — et qui semble y prendre un certain plaisir.

Bilan économique

Longuement questionné par Daniel Cohen sur son bilan économique et, notamment, sur le « divorce » avec une partie de la gauche après la promesse du Bourget, François Hollande répond en reprenant les mêmes termes que ceux du 22 janvier 2012 : « La finance a été mon adversaire, nous lui avons porté des coups », dit l’ex-président, citant notamment « l’union bancaire»  ou la « lutte contre les paradis fiscaux ».

« Il est vrai que j’ai soutenu les entreprises, mais je fais la différence entre la finance et l’économie réelle », se justifie M. Hollande, qui assume parfaitement cette « politique de l’offre », symbolisée notamment par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou le pacte de responsabilité. « Avais-je annoncé une politique de la demande ? Non, j’avais dit qu’il fallait remettre de la compétitivité, c’était dans le discours du Bourget », poursuit-il, très sûr de lui.

« En 2017, presque sept cent mille emplois ont été créés. Ils ne sont pas venus de l’alignement des planètes. »

« Nous avons atteint l’objectif de 3 % du PIB pour les déficits en 2017 », rappelle-t-il, en égratignant au passage Nicolas Sarkozy : « Ai-je besoin de dire que les comptes publics étaient dégradés quand je suis arrivé ? Eh bien oui, je vais le dire ! »

Regrets

A plusieurs reprises, Hollande fait rire le public et donne l’impression de virevolter au-dessus d’un bilan qui serait presque parfait. A force d’insister, l’économiste Daniel Cohen obtient une concession : « Je reconnais une faute », lâche enfin François Hollande à propos de la loi El Khomri. Sans revenir sur le fond du texte, il regrette de s’être coupé à l’époque « des syndicats réformistes, et notamment de la CFDT », mais également « la première version du texte, compliquée par l’annonce d’un 49-3, alors que le débat n’avait pas eu lieu ». La pique est directement adressée à Manuel Valls.

Second regret, et ce sera le dernier : la déchéance de nationalité. François Hollande a passé de longues minutes à rappeler le contexte dans lequel il avait proposé cette mesure, trois jours après les attentats du 13 novembre 2015, lors du Congrès de Versailles. « Je reçois les forces politiques et je sens le risque de divisions et d’affrontements », dit-il, le ton grave.

« Pour rassembler, je pense qu’il faut des annonces qui ne sont pas de notre patrimoine politique », poursuit-il, en prenant largement ses distances d’avec la mesure. Et de rappeler, comme pour ramener chacun à ses responsabilités : « Quand je termine mon discours, il y a une émotion. Tous les parlementaires se lèvent, “frondeurs” compris, droite comprise », comme s’il pensait qu’il serait un jour réhabilité sur cette séquence.

Liberté de ton

Sur les raisons de son échec à se représenter, l’ancien président de la République n’a pas varié de la ligne développée dans son livre : les divisions au sein de son propre camp. « Ce qui a été le plus difficile pour le président que j’ai été, ce n’est pas d’affronter une crise économique, ce ne sont pas pas les actes terroristes, puisque ces éléments étaient déjà présents pendant la campagne. Ce qui a été le plus insupportable, ce sont les comportements humains », lâche-t-il, en référence aux « frondeurs«  d’un côté et à la « trahison » d’Emmanuel Macron, sans les citer.

Prenant de la hauteur, maniant l’humour, François Hollande goûte une liberté de ton qu’il recouvre progressivement depuis son départ de l’Elysée, et diffuse ses leçons de stratégies politiques.

« La question n’est pas de savoir s’il y a un avenir pour le PS mais pour la social-democratie en France et en Europe », dit-il, sans un mot pour ses successeurs Rue de Solférino, qui peinent à reconstruire le parti à la rose.

« Mélenchon ne veut pas l’union mais la disparition de la gauche de gouvernement. Aller vers ceux qui veulent vous couper la tête, je le dis aux générations futures, ce n’est pas une bonne idée », ironise-t-il dans une adressee à peine voilée à Benoît Hamon et à sa campagne présidentielle. La République en marche n’est pas épargnée : « Les partis ne peuvent pas être uniquement des partis Internet ! Les indivus ont besoin d’être avec les autres ! On est mieux ensemble ! On coopère ! », lance-t-il en rythme, couvrant les appaudissements, sur le même ton que lors de ses meetings de campagne électorale.

François Hollande, qui a lui-même souhaité que ce rendez-vous s’intitule « inventaire », aura surtout rempli la colonne des « actifs », laissant le « passif » à ses pourfendeurs.