Ces fonds qui oublient d’informer correctement les épargnants
Ces fonds qui oublient d’informer correctement les épargnants
Par Eric Leroux
Un tiers des fonds d’actions commercialisés en Europe ne respectent pas leurs obligations d’information. Sans parler des fonds « faussement actifs »
La Bourse de Paris. / Guilhem Vellut CC@2.0
A l’heure où gouvernement et établissements financiers veulent pousser les Français à investir en actions, voilà une information qui fait tache : selon Better Finance, un groupement européen d’associations d’épargnants, « 30 % des principaux OPCVM actions [sicav et fonds communs de placement], gérés activement et utilisant un indice de référence, continuent de contrevenir aux principales exigences d’informations des épargnants prévues par la réglementation européenne ».
En cause : l’oubli de mentionner dans le document-clé d’information pour l’investisseur (DICI) les performances de l’indice de référence à côté des résultats de leur propre fonds. « On prive ainsi les épargnants de la possibilité de comparer les résultats du gérant avec celui de l’indice qu’il est censé essayer de battre », commente Guillaume Prache, directeur général de Better Finance.
Tout est parti d’une enquête de l’ESMA, l’Autorité de supervision européenne des marchés financiers, menée en 2016 sur les fonds « faussement actifs », c’est-à-dire les OPCVM qui annoncent mener une gestion discrétionnaire et qui se contentent de répliquer fidèlement l’évolution des indices qu’ils prétendent battre.
Un mal plutôt répandu : l’ESMA en avait répertorié 165, sur environ 2 000 fonds analysés. « C’est une pratique préjudiciable aux épargnants, explique M. Prache, car le fonds facture des frais de gestion élevés pour financer une gestion active, alors qu’il se contente de répliquer l’indice à moindre coût. »
Selon l’Autorité des marchés financiers, les frais annuels moyens pour les fonds investis en actions s’élèvent de 1,5 % à 1,9 %, alors qu’un tracker répliquant l’évolution d’un indice n’occasionne que 0,2 % à 0,3 % de frais par an. Une différence loin d’être négligeable, surtout dans le cadre d’un investissement à long terme.
Un an après cette étude, Better Finance avait approfondi l’enquête de l’ESMA, retrouvé les 165 fonds concernés et publié la liste, ce que l’Autorité n’avait pas fait. « C’est à cette occasion que nous avons découvert des violations étendues des règles d’information des investisseurs », explique M. Prache.
Soixante-sept de ces fonds ne divulguaient pas la performance passée de l’indice. Des faits qui ont été signalés aux régulateurs européens, mais sans grand succès : seules les autorités du Royaume-Uni ont tapé du poing sur la table et condamné 64 fonds « faussement actifs » à indemniser leurs clients.
De nouvelles recherches menées au début de l’année par Better Finance ont montré que cette alerte n’avait pas changé les mauvaises habitudes : 44 fonds continuaient à violer les règles sur les 165 montrés du doigt, et une étude menée sur 2 000 fonds d’actions européennes, la plupart gérés vraiment activement, a montré que « 30 % de l’ensemble des OPCVM utilisant un indice de référence ne respectent pas non plus les règles d’information prévues au DICI », selon M. Prache.
Fonds domiciliés au Luxembourg
Une bonne nouvelle cependant : les sociétés de gestion françaises font, dans ce domaine, figures de bons élèves. Un résultat que M. Prache met au compte des autorités françaises, et notamment l’Autorité des marchés financiers, « qui fait vraiment son travail ».
Reste que le plus gros contingent de fonds montrés du doigt sont domiciliés au Luxembourg (43 % des fonds luxembourgeois ne seraient pas conformes, selon Better Finance) et ces fonds ne connaissent pas de frontières : ils peuvent être vendus dans toute l’Europe, y compris en France, grâce à leur passeport européen.
Pour éviter les déconvenues, les épargnants qui souhaitent diversifier leurs placements en allant vers les fonds en actions ont donc tout intérêt à prendre deux précautions : vérifier que les fonds choisis font bien l’objet d’une gestion active, ou à défaut qu’ils prélèvent des frais faibles tenant compte de leur passivité. Et s’assurer que les performances de l’indice de référence que le gérant suit ou cherche à battre (le « benchmark » pour les anglo-saxons) figurent dans le DICI, à côté des performances du fonds. Une bonne manière de mesurer, en un coup d’œil, les qualités ou les faiblesses d’un fonds.